Attentats, situation exceptionnelle : en Bourgogne-Franche-Comté, les médecins libéraux s’organisent

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Publié le 24/03/2017
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Crédit photo : DR

L’URPS médecins libéraux Bourgogne-Franche-Comté organise ce vendredi, à Beaune, une soirée d’information pour présenter à la profession et aux autorités le dispositif pionnier qu’elle va déployer pour améliorer l’organisation des secours en cas d’attentat ou de situation sanitaire exceptionnelle. Entretien avec le Dr Éric Blondet, président de l’URPS-ML, ancien chirurgien au service de santé des armées.

LE QUOTIDIEN DU MEDECIN : Pour quelle raison avez-vous souhaité travailler sur ce sujet alors que plusieurs plans (ORSAN AMAVI ou ORSEC NOVI) sont censés organiser la gestion des situations sanitaires exceptionnelles ?

Dr Éric BLONDET : Notre réflexion est partie d’un constat après les événements de Paris et Nice. Lorsque se produit un attentat, les professionnels de santé se mobilisent spontanément, quel que soit leur statut. Le premier réflexe d’un chirurgien libéral est d’aller dans son établissement mais, s’il n’y a pas d’anesthésistes ou d’infirmiers en nombre suffisant, cela ne sert à rien d’autant que la régulation (SAMU) ne peut pas savoir sur quels moyens elle peut compter. Il apparaît donc nécessaire de rendre cohérente la mobilisation spontanée. 

Deuxième point : après la tuerie au Bataclan, les professionnels de santé – et les chirurgiens en particulier – ont parlé d’un manque de matériel, en cas d’afflux massif qui dépasse les capacités de prise en charge. En réalité, nous ne manquons pas de moyens en France, sauf à ne prendre en compte que les moyens hospitaliers ! En Bourgogne-Franche-Comté, le secteur libéral représente 54 % des chirurgiens et la moitié des blocs opératoires, qui peuvent être exploités pour éviter que l’on ne soit débordé.

Quel dispositif allez-vous mettre en place ?

Nous organisons aujourd'hui une première réunion, régionale, pour apporter aux médecins libéraux le retour d’expérience des équipes médicales de l’hôpital d’instruction des armées Percy et d’un médecin de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris qui étaient sur le terrain le 13 novembre 2015.

Cette rencontre doit poser un premier jalon dans la formation des médecins libéraux, notamment des généralistes qui ne connaissent pas forcément le circuit que suit une victime depuis sa prise en charge sur le lieu du drame jusqu’à son hospitalisation. Il s’agit de leur donner un réflexe organisationnel pour gérer les blessés – mais également ceux qui ne sont pas blessés et qui peuvent se mettre en danger. Selon les besoins exprimés, nous monterons des séminaires de formation sur le « damage control » et sur le suivi des situations post-traumatiques, pour ne donner que deux exemples.

Quel est le deuxième axe ?

Nous sommes en train de bâtir une procédure à destination des autorités sanitaires pour recenser en temps réel la disponibilité des équipes de réanimation et des blocs chirurgicaux libéraux. Nous pensons nous appuyer sur une alerte avec SMS et Twitter qui déclenche, en même temps, un numéro d’urgence à l’URPS où tous les médecins disponibles pourront appeler. Ces informations centralisées pourront être transmises à la régulation qui, en retour, nous indiquera quels sont ses besoins et où sont ses besoins. L’objectif est d’être hyper-réactif !

Cela doit permettre d’éviter d’ajouter de la pagaille à la pagaille, générée naturellement lorsque les gens arrivent par des voies non prévues. C’est vrai pour les professionnels de santé, qui se présentent spontanément, comme pour les blessés qui arrivent hors régulation (par taxi, par exemple, comme ce fut le cas à Nice).

C’est un projet que j’aimerais mettre en place cette année. En attendant, nous poussons les médecins à s’abonner au compte Twitter de l’URPS, pour qu’un maximum de personnes soit alertées en cas de besoin.

La Bourgogne-Franche-Comté est à dominante rurale. Avez-vous l’impression que c’est un sujet majeur pour cette région ?

Nous sommes dans une région où la population est disséminée, avec des bassins de vie où il n’y a plus de service de chirurgie publique, comme à Autun où c’est la Clinique du Parc qui a pris le relais. Il faut que tout le monde soit prêt à réagir si un événement, sur un secteur touristique comme celui-ci, devait être touché. Et ce d’autant que la menace terroriste, aujourd’hui, c’est n’importe qui, n’importe comment, n’importe où. Nous ne pouvons pas partir du principe que seules les grandes villes sont concernées.

Propos recueillis par Alexandra Caccivio

Source : lequotidiendumedecin.fr