LE QUOTIDIEN : Marisol Touraine se félicite d'avoir sauvé la Sécurité sociale. Partagez-vous son optimisme ?
BENOÎT HAMON : La Commission européenne nous demande de respecter les objectifs en matière de déficit public, au risque de payer des pénalités. Il nous fallait notamment réduire le déficit des comptes sociaux, à la fois sur le plan budgétaire mais aussi pour pérenniser notre système de Sécurité sociale. Nous y sommes parvenus, mais à quel prix ? Aujourd'hui, les citoyens français sont-ils plus égaux dans l'accès aux soins ? Peuvent-ils tous accéder à un médecin de qualité ? À une offre diversifiée selon qu'ils habitent la Lozère, l'Ile-de-France ou la région lyonnaise ? La réponse est non ! Nous n'avons pas progressé en matière d'égalité d'accès aux soins. Ce n'est pas imputable à la politique de Marisol Touraine mais on assiste à un recul du service public avec la fermeture de maternités, mais aussi de services au sein d'hôpitaux de proximité etc. Les inégalités de santé se sont renforcées.
Dans le PLFSS, un amendement contraignant la liberté d'installation des libéraux à l'initiative de députés socialistes a finalement été rejeté. Y étiez-vous favorable ?
Toutes les formules incitatives que l'on met en place pour faciliter l'installation des jeunes médecins dans les territoires sous-denses ne marchent pas. Les difficultés d'accès aux soins s'aggravent. On ne peut plus aborder ce sujet sans remettre en cause le principe de la liberté d'installation. Peut-on envisager que cette liberté d'installation soit aménagée à la sortie des études de façon à ce qu'il y ait une distribution prioritaire des médecins vers les territoires où on en a le plus besoin ? Peut-on avoir une obligation d'installation ? Les questions doivent être abordées avec la profession et des contreparties sont à envisager.
Une mobilisation des personnels de la fonction publique hospitalière et des infirmiers est prévue le 8 novembre pour dénoncer les conditions de travail et les restrictions budgétaires. Le gouvernement impose-t-il trop de contrainte financière aux hôpitaux ?
J'ai voté le PLFSS mais au fond, j'ai une principale critique : que l'hôpital soit considéré comme une « entreprise ». Personne ne doute de l'excellence de l'hôpital public, notamment dans l'innovation thérapeutique et chirurgicale. Toutefois, sa capacité à faire face à la demande de soins au quotidien aux urgences mais aussi à prendre en charge correctement les patients est largement remise en cause. Les hôpitaux publics manquent de moyens, sont soumis à la concurrence du privé, à la faible rémunération d'un certain nombre d'activités… Les efforts demandés à l'hôpital public sont excessifs. À force de réclamer des économies de gestion on finit par le faire au détriment de la qualité du travail des personnels soignants et des soins reçus par les patients.
Vous préconisez-vous le remboursement des activités physiques adaptées par l'assurance-maladie chez les patients atteints de pathologies chroniques. Pourquoi ?
Il est démontré que les activités physiques peuvent prévenir des maladies chroniques et être utiles comme thérapeutique. Une année d'activité physique est moins onéreuse pour la Sécurité sociale qu'une semaine d'hospitalisation. On peut envisager le sport comme un moyen de mieux vivre lorsqu'on est atteint d'une pathologie chronique. Le remboursement de l'activité physique par l'assurance-maladie, dès lors qu'elle est jugée indispensable et prescrite par un médecin, serait un signal fort pour la société française. Ce remboursement, même symbolique, accélérera la mobilisation des complémentaires santé dans ce domaine et changera l'approche des Français à l'égard du sport.
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