LE QUOTIDIEN - Avez-vous été surpris par la soudaineté et la violence de la polémique engagée autour du plan de vaccination contre la grippe A(H1N1) ?
BERNARD ACCOYER - La polémique politique est la règle en démocratie. Et la polémique personnelle, dans les milieux scientifiques et médicaux fait souvent jaillir des questions d’ego. C’est particulièrement vrai dans un pays comme la France, où ne sait pas toujours garder la mesure et où on a même tendance à pratiquer l’autoflagellation. Évidemment, je déplore ces excès. Ils compromettent la nécessaire confiance qu’il faut mettre dans les instances décisionnaires lorsqu’on traite des sujets de santé publique.
En même temps, je m’interroge : que n’aurait-on pas dit si, avec une épidémie semblable à celle du Sras, ou de la grippe espagnole, ou de la grippe japonaise, on n’avait disposé que de la moitié des doses vaccinales pour l’ensemble de la population ? Imaginez que le taux de létalité ait été plus élevé que celui que nous observons en définitive, quelles réactions aurions-nous alors enregistré, politiques et médicales !
Pourtant la France dispose d’une certaine culture des crises sanitaires...
C’est vrai que nous avons connu la canicule de 2005 et l’affaire du sang contaminé, qui a conduit à mettre en accusation un Premier ministre, alors qu’aujourd’hui il est établi qu’il n’était pour rien dans le déroulement des événements.
Il y a eu aussi toute la polémique autour de la vaccination contre l’hépatite B. On sait maintenant que des personnes sont décédées simplement parce qu’elles n’étaient pas protégées par la vaccination. La polémique, quand elle l’emporte sur l’analyse scientifique, fait reculer les progrès médicaux. Encore l’année dernière, dans ma région de Haute-Savoie, c’est une fillette de 12 ans non vaccinée qui est décédée des suites de la rougeole. Quand vous analysez les arguments avancés par les adversaires de la vaccination contre la grippe A(H1N1)v, vous voyez qu’on n’est pas loin du tout des méthodes et des dérives sectaires. Tout cela nous montre que dans un pays de haut niveau de sécurité médicale comme le nôtre, nous connaissons un vrai problème de maturité sanitaire.
Le parlement a-t-il suffisamment exercé son rôle de contrôle face aux mesures lancées par le gouvernement contre l’épidémie ?
La ministre de la Santé a été auditionnée à quatre reprises par la Commission des affaires sociales ; elle a participé à plusieurs séances de travail et répondu aux questions de nombreux parlementaires. Mais je pense que l’intérêt général commande que le gouvernement aille jusqu’au bout du travail d’explication de ses décisions, même si l’on peut regretter les interventions qui viennent a posteriori de la part de certains qui se comportent comme des inspecteurs des travaux finis et qui seraient parfaitement incapables de faire face aux événements dans le feu de l’action.
Je vais pour ma part recommander à Roselyne Bachelot de participer à des débats en séance publique à l’Assemblée, avec autant de séances que nécessaires pour répondre à toutes les questions que les parlementaires voudront lui poser. On ne s’explique jamais assez sur les questions de santé devant le parlement. Nous disposons aussi d’instances critiques, comme l’OPECST (Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques), avec ces procédures d’enquêtes et ses rapports d’activité.
Êtes-vous favorable à la création d’une commission d’enquête, comme le demande le groupe socialiste ?
Personnellement, j’y suis opposé. Avec ses procédures inquisitoriales, ses déclarations sous la foi du serment et, éventuellement, le recours à la force publique pour déférer les personnes, cela ne me paraît pas être l’outil utile. Nous avons d’autres manières de vivre le débat. Il nous faut apprendre à travailler en prônant la modération et en sans adopter de postures excessives. Il faut restaurer la confiance. Sans confiance, on ne saurait développer une politique de santé.
En tant que médecin, comment avez-vous ressenti la mise sur la touche des généralistes ?
Le fait que les médecins généralistes, pour des raisons pratiques justifiées, aient été mis en dehors des procédures a constitué un élément qui n’était pas de nature à mobiliser l’opinion publique en faveur du vaccin. Il aurait sans doute fallu solliciter en amont leur adhésion au principe d’une organisation collective de la campagne. Encore une fois, on ne s’explique jamais assez sur le terrain scientifique et médical.
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