Très peu développée en France, la e-prescription est désormais au menu des négociations de l'accord-cadre interprofessionnel (ACIP) entre l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS, qui représente les libéraux) et l'assurance maladie.
L'enjeu n'est pas mince. Pour la CNAM, la généralisation de la prescription électronique est l'une des priorités inscrites dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) signée avec l'État. Et la dématérialisation de l'intégralité des prescriptions dès 2022 figure au menu des objectifs présentés par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie de transformation du système de santé (volet du virage numérique).
La CNAM ne part pas de zéro. Une expérimentation de prescription électronique de médicaments (PEM 2D) est en cours avec des médecins et pharmaciens de trois caisses (Val-de-Marne, Saône-et-Loire et Maine-et-Loire). Dans ce test, le médecin dépose l'ordonnance sur une plateforme sécurisée ; le patient de son côté récupère un QR code 2D sur papier qu'il présente au pharmacien pour obtenir sa prescription.
Liberté de prescription
Mais la semaine dernière, lors de la séance de négociation sur ce sujet, le débat s'est crispé autour du lieu d'hébergement des ordonnance dématérialisées, explique Daniel Paguessorhaye, président de l'UNPS.
La CNAM a proposé d'héberger les ordonnances numériques au sein d'un serveur lui appartenant, proposition qui a soulevé l'opposition de l'UNPS. « Même si le serveur comporte toutes les garanties de confidentialité autour du secret médical, nous n'en voulons pas », tranche Daniel Paguessorhaye. Le patron de l'UNPS évoque des « dangers » en matière de liberté de prescription et de la liberté du patient.
La raison de cette méfiance ? Avec cet accès direct et automatique aux ordonnances, « la CNAM pourrait contrôler a priori les prescriptions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Quant au patient, s'il n'est pas observant sur un traitement ou s'il n'a pas suivi des séances de prévention, sera-t-il moins bien remboursé ? », s'interroge le président de l'UNPS. Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, enfonce le clou. « C'est un point de blocage pour les médecins : l'assurance-maladie aura les prescriptions a priori. Cela lui laissera du temps pour les analyser et, éventuellement, y mettre des obstacles comme une mise sous entente préalable. Cela n'est pas acceptable ».
Pour MG France, il est hors de question que les prescriptions soient stockées et gérées uniquement par l'assurance maladie. « S'il existe un serveur, il faudra une gouvernance équilibrée avec des règles de fonctionnement précises », analyse le Dr François Wilthien, chargé de mission au syndicat de généralistes.
Le DMP, porte d'entrée ?
Dans ce contexte, l'UNPS a formulé une contre-proposition, adoptée par ses membres en assemblée plénière. « Nous pensons que le dossier médical partagé est le meilleur support pour héberger les ordonnances », résume son président, même si ce fameux dossier facultatif ne sera pas généralisé avant la fin de l'année. « Pourquoi ne pas le rendre obligatoire comme la carte Vitale », avance Daniel Paguessorhaye.
Mais pour le syndicat UFML-S, cette solution du DMP comme porte d'entrée des ordonnances électroniques ne règle strictement rien, au contraire ! « A l’heure où l’assurance-maladie lève le secret médical à propos des arrêts travail, il paraît incroyable que des médecins acceptent de confier les secrets des prescriptions à un organisme financeur quel qu’il soit », s'étrangle le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, qui dénonce « l'amateurisme » de l'UNPS. Un argument balayé par le Dr Ortiz : « Le DMP est une boîte noire qui appartient aux patients, ces derniers ont le droit de masquer les données », rappelle le président de la CSMF.
Les partenaires conventionnels espèrent parvenir à un compromis à la mi-juin.
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique