LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : La droite a souvent déçu et même mécontenté les médecins libéraux. Comment comptez-vous procéder si vous êtes élu président ?
BRUNO LE MAIRE : Dans le passé, nous avons fortement déçu les médecins libéraux avec de belles promesses jamais tenues. Ce qui fait la crédibilité de mon projet, c’est la centaine de discussions que j’ai eues avec les praticiens pour savoir ce qui n’allait pas, quelles étaient leurs propositions, leurs attentes. En regardant les choses avec le plus de simplicité possible, je suis arrivé à cette idée forte que la santé de proximité doit nécessairement reposer sur les médecins libéraux. Il ne s’agit pas de restaurer la médecine libérale d’il y a 30 ans, il s’agit d’inventer celle de demain, avec des coopérations, du travail en équipe et de nouveaux outils technologiques, qui permettront de remettre le médecin libéral au cœur de l’offre de soins.
25 euros pour les généralistes, est-ce suffisant ?
C’est un progrès, mais ça ne règle pas tout. Il faut sortir du 23, 24, 25, 26 ou 30 euros. Je comprends que ça intéresse les médecins mais ce qui compte pour moi, c’est qu’à la fin du mois, ils aient un revenu décent, conforme à leur niveau de formation et au travail accompli chaque jour.
Les vraies faiblesses aujourd’hui sont moins sur l’acte lui-même que sur tout ce qui l’entoure. Quand vous avez trois heures de travail administratif par jour, ce sont trois heures de revenus en moins ! Simplifier, alléger, supprimer des tâches administratives, débarrasser les médecins de la gestion du tiers payant, c’est leur permettre de réaliser plus d’actes, et d’avoir une meilleure rémunération.
Vous voulez un nouveau contrat entre la nation et les médecins. Que prévoira-t-il ?
D’abord une réforme de la formation initiale. Elle doit être moins axée sur le « scientifique » et davantage sur les humanités, s'ouvrir à la coopération avec les autres professionnels de santé et avec l’environnement. Pour donner aux jeunes le goût d'entreprendre, il faudra assurer une formation beaucoup plus ouverte sur les cliniques et le monde libéral, avec davantage de stages dans des cabinets de praticiens libéraux.
Ce contrat passe ensuite par le renforcement de la coopération autour du médecin libéral, qui devra être au cœur du parcours de santé mais aussi du parcours d’urgences alors qu’aujourd’hui c’est l’hôpital qui accueille toutes les urgences. Je veux valoriser le rôle essentiel des libéraux en matière de prévention – par exemple dans le domaine de la toxicomanie, du suicide et de l’obésité.
Dans ce contrat figureront la suppression du tiers payant généralisé et une rémunération qui tienne davantage compte de la vie quotidienne des médecins – notamment la tarification des soins complexes que la convention a largement laissés de côté.
Que proposez-vous pour réduire le déficit de l’assurance-maladie ?
D’abord, les politiques de prévention, qui procurent des économies à moyen terme, sont totalement insuffisantes. En matière de gestion ensuite, nos coûts de fonctionnement doivent être réduits. Il faut donc revoir les moyens du ministère de la santé, des ARS, des organismes d’assurance maladie afin de ramener nos frais de gestion à la moyenne des pays européens.
Mais les vraies économies passent par une meilleure responsabilisation des patients et des professionnels. Si vous allez aux urgences alors qu’il n’y a pas d’urgence, hormis pour les urgences pédiatriques, vous payerez une franchise de 40 euros non remboursables. Quant à l’aide médicale d’État [AME], qui coûte aujourd’hui près d’un milliard d’euros, elle sera supprimée et remplacée par une aide médicale strictement limitée aux urgences pour les étrangers en situation irrégulière.
J'ajoute qu'il est très important de renforcer l’assurance-maladie et non pas les complémentaires santé. Le système de soins ne doit pas tomber aux mains des assureurs. C’est un axe de mon projet à l’opposé de celui de mes concurrents à la primaire qui veulent revaloriser les mutuelles et réduire la place de l’assurance-maladie… Le régime obligatoire doit à la fois bien rembourser les soins de base et mieux les soins dentaires et optiques. Je propose de permettre à chaque Français de se faire rembourser une paire de lunettes à 100 % tous les 4 ans et de diminuer de 20 % le reste à charge pour les implants de couronnes dentaires. Cela coûtera deux milliards d’euros à la Sécu.
À l’hôpital, vous voulez en finir avec le « carcan » du temps de travail…
Il appartiendra à chaque directeur d’établissement d’organiser lui-même le temps de travail. Mais les personnels hospitaliers ne doivent pas travailler davantage sans rémunération complémentaire. Les faire travailler 39 heures payées 35 serait une injustice profonde. Mais 37 heures payées 37, si c’est négocié, pourquoi pas.
Quel serait pour vous le juste niveau de l’ONDAM ?
Limiter la progression de l’ONDAM à 1 % par an apparaît un objectif raisonnable. Quand on regarde le vieillissement de la population et de la dépendance, et le coût croissant de soins de plus en plus techniques, geler l’ONDAM équivaudrait en réalité à réduire la qualité des soins. Je le refuse.
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique