« Je n'en pouvais plus… Faire des consultations à 23 euros pour voir 40 patients dans la journée, je n'y arrive pas. » Depuis le 1er décembre 2015, le Dr Patrice Geoffriaud, médecin généraliste à Challans, en Vendée, pratique la consultation à 35 euros. Une décision réfléchie et motivée par des convictions personnelles mais aussi par les appels de certains syndicats à la désobéissance tarifaire.
En exercice depuis seize ans, le Dr Geoffriaud explique que son bénéfice est toujours resté le même, alors que ses charges ont augmenté au fil des années. Début septembre 2015, afin que ses patients soient tous informés, il affiche dans son cabinet son intention de faire payer 35 euros la consultation à partir du mois de décembre, soit 50 % au-delà du tarif en vigueur en secteur I.
Pour déterminer ce montant, le généraliste explique qu'il a étudié les appels à la désobéissance tarifaire des syndicats de médecins. « MG France fait le C à 25 euros, le FMF demande 40 euros et l'UFML 50 euros. J'ai donc fixé le curseur à 35 euros, c'est un bon compromis », précise le Dr Geoffriaud.
73 % d'actes avec DE
« Trois de mes patients ont envoyé des courriers de doléances à l'Ordre départemental et à la caisse primaire d'assurance-maladie. Je l'ai appris en recevant des convocations de l'Ordre et de ma caisse », explique le Dr Geoffriaud, qui est toujours officiellement conventionné en secteur I avec des « honoraires sans dépassement », selon le site Ameli.
« C'est plutôt désagréable, voire agaçant, j'aurais préféré que ces patients m'en parlent avant, même si ce ne sont que trois personnes sur une patientèle d'environ 1 200 personnes », relativise le médecin. La CPAM le convoque fin février, mais le Dr Geoffriaud ne verra jamais personne à ce rendez-vous.
« J'étais convoqué en fin d'après-midi, je suis arrivé en avance et je me suis retrouvé face à un digicode… J'ai attendu un moment, en vain, personne n'est jamais venu », raconte le généraliste. « Depuis, je m'attends à être reconvoqué. Pour l'instant, j'ai juste reçu un courrier, comme d'autres médecins, m'indiquant que mon taux de consultations avec DE était de 73 % », poursuit-il.
Pas de sanction
Du côté de l'Ordre départemental, le président lui reproche de ne pas respecter « le tact et la mesure » que les médecins doivent prendre en compte pour fixer leurs honoraires.
« J'ai été reçu le 7 avril par l'Ordre, et j'ai expliqué que la majorité de mes patients comprenaient ma démarche. Je passe du temps avec eux, car au lieu de 40 patients dans la journée, j'en vois 20, mais plus longtemps. Faire la CS à 35 euros est aussi une façon de les responsabiliser. D'ailleurs, ils ne viennent plus pour des consultations inutiles », explique le médecin.
Le généraliste ne demande pas systématiquement 35 euros par consultation à l'ensemble de sa patientèle. « Je fais payer 23 euros, voire 6,90 euros en cas de problèmes financiers, explique le Dr Patrice Geoffriaud. Et je pratique évidemment le tiers payant intégral pour les ALD. Certains patients me disent que de toute façon leur complémentaire les rembourse, et une patiente a même avoué être prête à payer plus s'il le fallait ! »
Dans un courrier adressé au généraliste, l'Ordre des médecins de Vendée a estimé que le Dr Geoffriaud ne « respectait pas réellement le tact et la mesure » puisque la tarification appliquée « est imposée et non modulée ». L'institution a par ailleurs considéré que la patientèle était insuffisamment informée et que les patients étaient « plus ou moins pris en otage » à cause d'une faible démographie médicale et du refus de nombreux médecins de prendre des nouveaux patients. Néanmoins, l'Ordre de Vendée n'a infligé aucune sanction au Dr Geoffriaud, son président concluant qu'il eut été « souhaitable » que le généraliste attende « que les négociations actuelles aient abouti pour [se] déterminer sur les tarifs à appliquer ».
Désir viscéral de reconnaissance
« Je continuerai d'appliquer ces tarifs et je ne changerai rien à ma manière d'exercer. De toute façon, je n'espère pas grand-chose des syndicats dans la négociation. On parle de revalorisations forfaitaires, mais je considère que c'est de l'assistanat », déclare le Dr Geoffriaud.
Le généraliste n'exclut pas de dévisser sa plaque si les choses empirent. « Je l'ai déjà fait il y a dix ans. J'étais parti aux Antilles, où je faisais du remplacement », précise-t-il.
Mais au fond, le Dr Geoffriaud souhaite seulement « que les médecins soient reconnus à la valeur de leur pratique et non au coût de leurs actes ». « La reconnaissance est devenue un désir viscéral », conclut-il.
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