LE QUOTIDIEN – L’élimination de Dominique Strauss-Kahn de la primaire socialiste peut-elle avoir des répercussions sur le contenu du projet « santé » du PS ?
Dr CLAUDE PIGEMENT – Le projet socialiste n’est qu’un socle. On sait très bien que chaque candidat apportera ensuite son propre éclairage, y compris sur le volet santé. Ce sera le cas, que Dominique Strauss-Kahn soit là ou pas. Examinons les principales propositions santé du projet : remettre l’hôpital public au cœur du système ; demander aux jeunes médecins de commencer leur carrière dans les zones sous-dotées ; enfin privilégier la rémunération au forfait. Sur la place et les missions de l’hôpital, il y a peu de différences entre les « strauss-kahniens », les « hollandais » et les « aubrystes »! La défense du service public hospitalier fait l’unanimité aux PS. À titre personnel, je mets un tout petit bémol : il ne faut pas retomber dans l’hospitalocentrisme. Sur les forfaits, le principe de la mixité des modes de rémunération fait aussi l’unanimité chez les socialistes. De même, je ne vois pas de clivage majeur sur les maisons de santé.
Et sur la liberté d’installation ?
Sur la liberté d’installation, il y a un débat interne au PS, c’est vrai. Le projet officiel va assez loin puisqu’il demande aux jeunes médecins libéraux d’exercer en début de carrière dans les zones qui manquent de praticiens [c’est la position de fermeté défendue notamment par Martine Aubry et le député Christian Paul NDLR]. Marisol Touraine et Jean-Marie Le Guen – deux strauss-kahniens – se sont déjà démarqués de cette idée. Mon analyse est qu’on ne pourra jamais forcer un jeune médecin à s’installer dans un endroit où il ne veut pas. Les mesures incitatives quantitatives – bourses, aides, mesures fiscales – doivent être maintenues mais en allant plus loin dans le cadre d’une vision d’aménagement du territoire. Cela dit, il faudra sans doute une disposition un peu plus directive en prenant exemple sur l’accord signé par les infirmiers libéraux (qui plafonne les nouvelles installations dans les zones surdotées). Mixons tout cela. Je le répète : avec ou sans DSK, le débat sur ce sujet précis aura lieu lors de la primaire.
François Hollande, qui a le vent en poupe, croit-il oui ou non à l’avenir de la médecine libérale ?
Je ne vais pas parler à sa place ! Mais au regard des discussions avec lui, je suis persuadé qu’il veut moderniser la médecine libérale et surtout pas la rayer d’un trait de plume. On est sur l’idée d’un nouveau contrat avec les professionnels de santé. On ne fera pas tourner le système en braquant la profession. Reconnaissons tout de même que les choses ont évolué en médecine libérale. Tout le monde a accepté le principe des maisons de santé. Le développement des forfaits, c’est pareil. Quand je disais, dans les années quatre-vingt, qu’il fallait sortir progressivement du paiement à l’acte, j’étais accusé de vouloir soviétiser la médecine et voué aux gémonies. Les forfaits non seulement se développent mais les médecins veulent les valoriser. Il faut accompagner les changements, mais pas les imposer. J’ajoute qu’il faudra conclure un accord à quatre : il y a l’État, l’assurance-maladie (obligatoire et complémentaire), les médecins mais aussi les usagers.
À votre avis, quels seront les sujets santé « clés » dans la course à la présidentielle ?
J’en vois trois. L’avenir du service public hospitalier, les inégalités territoriales avec la question des déserts médicaux, et enfin le reste à charge croissant des patients puisque, hors ALD, les dépenses de soins courants sont remboursées seulement à 55 %. La question du renoncement aux soins sera forcément dans le débat présidentiel.
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