C’est par une bourrasque de tweets que l’opposition a exprimé son total soutien aux médecins libéraux en grève vendredi 13 novembre, premier jour d’un mouvement de contestation au projet de loi de santé interrompu le soir même par les attentats de Paris.
Parlementaires et ténors placés à droite de l’échiquier politique s’en donnaient alors à cœur joie : qui défend la profession, qui lui accorde toute sa confiance, qui fustige le tiers payant généralisé, qui égratigne Marisol Touraine…
À l’approche des élections régionales (6 et 13 décembre), et à l’horizon de la primaire à droite pour la présidentielle de 2017, cet épisode illustre l’opération séduction menée crescendo par la droite depuis que le corps médical a engagé un bras de fer avec Marisol Touraine autour de la loi de santé.
Grandes manœuvres
En septembre déjà, Nicolas Sarkozy rencontrait des professionnels de santé à Reims, Alain Juppé faisait son mea culpa face aux praticiens libéraux réunis à La Baule et François Fillon était acclamé à Marseille, au congrès du Syndicat des médecins libéraux (SML), en exaltant la liberté et la responsabilité. En clôture de l’Université d’été du FN, Marine Le Pen condamnait la loi Touraine et adressait un signal clair à la profession. « Comptez sur nous... ».
En octobre, mois d’élections chez les médecins libéraux, rebelote ! Nicolas Sarkozy déjeunait avec les principaux leaders des syndicats de médecins libéraux, Alain Juppé affichait sur Twitter sa volonté d’abroger le tiers payant tandis que François Fillon promouvait son livre « Faire », où les médecins apparaissent dès la première page. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Valérie Pécresse (LR) rencontraient à leur tour les futurs grévistes.
Soutien historique
La droite et les médecins libéraux ont certes toujours entretenu des liens étroits et naturels. « La droite républicaine et modérée, prompte à défendre l’esprit d’entreprise et l’indépendance, est de longue date le soutien le plus fort des médecins de ville, confirme Pascal Perrineau, politologue et spécialiste de sociologie électorale. À tort ou à raison, les professionnels considèrent souvent que la gauche porte des réformes intrusives et étatiques ».
Mais la période se prête aussi à des œillades plus marquées. En tapant à bras raccourcis sur le projet de loi Touraine, les leaders de droite peuvent espérer s’attirer les faveurs d’une profession durablement exaspérée. Selon un jeu politique bien établi, le degré de cajolerie dépend aussi de la proximité des échéances électorales. Pour les candidats aux régionales Valérie Pécresse (Ile-de-France), Christian Estrosi (PACA), Laurent Wauquiez (Rhône-Alpes) et Bruno Retailleau (Pays de la Loire), les marques d’affection ont pris des formes variées : mesures contre la désertification médicale, condamnation des violences subies par les médecins, revalorisation financière ou promotion de l’exercice regroupé.
Reconquête
François Fillon, chef du gouvernement qui fit voter la loi Bachelot, et Alain Juppé, auteur d’une réforme de la Sécu traumatisante pour le corps médical, cherchent surtout à réparer les blessures du passé. Tous deux assurent aux médecins avoir tiré les leçons de leurs erreurs.
Nicolas Sarkozy, lui, est à la reconquête d’une partie de sa base électorale. « Nous voulons renouer le lien avec les médecins et avec tous les libéraux, lien qui s’est un peu distendu à cause de nos guerres intestines », assume le Dr Jean Rottner, maire (LR) de Mulhouse, membre de l’équipe de campagne de l’ancien locataire de l’Élysée. L’urgentiste se défend de toute « récupération » politique des médecins : « Sans la loi de santé, on serait tout autant impliqué dans la défense de la médecine libérale », assure-t-il.
« Nous sommes engagés auprès des médecins car ils attendent davantage de l’opposition que du gouvernement », ajoute le Dr Michel Hannoun, en charge des métiers de santé pour Les Républicains.
Dans le secret de leur cabinet médical, les médecins libéraux restent une excellente caisse de résonance de la parole politique. Une autre raison pour la droite d’être aux petits soins.
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