LE QUOTIDIEN : Dans leurs programmes, les candidats à la présidentielle misent-ils suffisamment sur les soins primaires et le médecin traitant ?
Dr CLAUDE LEICHER : Non. J'entends beaucoup parler d'économies, de bon usage de l'hôpital mais les politiques ne s'engagent pas clairement en faveur du virage ambulatoire ! Ils ne mesurent pas l'importance de renforcer l'accès aux soins de premier recours. Pourtant, la modernisation du système de santé passe d'une part par l'organisation du travail en équipe – la maison de santé est bien identifiée par les candidats – et d'autre part par une évolution de la rémunération des professionnels de santé libéraux.
À vos yeux, comment devrait évoluer cette rémunération ?
Les soins primaires doivent être organisés autour du médecin traitant et bénéficier d'un financement spécifique. Il y a les MIGAC à l'hôpital [dotations pour les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation NDLR]. Nous aimerions avoir l'équivalent en ambulatoire sous la forme d'un fonds d'investissement sur les soins primaires.
Celui-ci pourrait financer le forfait structure prévu dans la convention. L'objectif est de permettre aux professionnels de premier recours d'embaucher du personnel mais aussi de se doter d'outils de travail performants pour répondre aux besoins de la population, grâce à l'informatisation, au dossier médical, à la télétransmission. Un forfait structure digne de ce nom, soit 50 000 euros, nécessiterait d'investir trois milliards d'euros par an. Donner la priorité aux soins primaires permettrait aussi de maîtriser les dépenses hospitalières, plus importantes en France que dans d'autres pays.
Vous réclamez une exonération du ticket modérateur pour les soins primaires. Cette proposition est-elle susceptible d'être portée par des candidats à l'Élysée ?
Nous proposons le remboursement à 100 % par l'assurance-maladie obligatoire des consultations auprès du médecin traitant. Il s'agit d'un premier pas vers la suppression du ticket modérateur que proposent Martin Hirsch [directeur général de l'AP-HP] et Daniel Tabuteau [responsable de la chaire santé de Sciences-Po], qui souhaitent que les caisses primaires puissent devenir opérateurs des organismes complémentaires [au sein d'une nouvelle assurance-maladie intégrale].
Nous voulons mettre en cohérence les notions de parcours et de financement des soins. On retrouve cette volonté dans les programmes de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon. Je note que François Fillon est revenu sur sa séparation petit risque/gros risque tandis qu'Emmanuel Macron veut rendre plus transparente la comparaison des différents contrats de complémentaires santé. Tous les candidats perçoivent que le financement des soins est perfectible. Il y a là un important enjeu de réforme, de simplification et d'économies.
Faut-il supprimer les complémentaires comme le propose Jean-Luc Mélenchon ?
Cela me paraît une proposition de rupture déraisonnable et révolutionnaire. On ne peut pas, du jour au lendemain, changer tout le système. L'exonération du ticket modérateur chez le médecin traitant serait une étape simple et facile à mettre en œuvre. Nous ne sommes pas opposés, ensuite, à l'idée d'une révision plus profonde du ticket modérateur qui ne modère plus rien, étant souvent pris en charge à 100 % par les complémentaires. De la même façon, des surcomplémentaires apparaissent pour prendre en charge les dépassements qui ne sont pas solvabilisés en optique, en dentaire ou en audioprothèse. Il faut une réflexion d'ensemble sur l'accessibilité au « panier de soins » et sur le reste à charge.
Redoutez-vous encore une remise en cause de la liberté d'installation ?
Non, je ne la crains pas dans la mesure où il n'existe pas des milliers de médecins prêts à s'installer ! Les gens qui veulent gérer la société par la coercition se trompent de siècle. Les politiques prétendent avoir des solutions mais ils n'en ont pas ! Aujourd'hui, il n'y a pas assez d'internes qui se tournent vers la médecine générale. Et deux tiers de ceux qui choisissent la spécialité après les ECN disparaissent avant d'exercer car le métier est devenu trop difficile. Il n'y a qu'une solution : augmenter le temps médical des généralistes en leur permettant d'embaucher du personnel pour les tâches administratives.
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