Dr Corentin Lacroix (médecin youtubeur) : « Mes vidéos sont prescrites par certains confrères ! »

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Publié le 03/03/2023
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« Et si on parlait médecine simplement ? » est son mantra. Le Dr Corentin Lacroix, 33 ans, médecin généraliste installé à Vertou, à côté de Nantes, a reçu six prix, dont un de l’Académie de Médecine pour son site gratuit de vulgarisation WhyDoc.

Crédit photo : Bénédicte Lacroix

LE QUOTIDIEN : Comment marche votre site ?

DR CORENTIN LACROIX : Il fait 3 000 à 4 000 vues par jour surYoutube. C’est une belle montée en charge sachant qu’on était à 1 000 vues/jour il y a deux ans. J’espère augmenter encore l’audience. Certains sujets ont très bien marché : le diabète, car c’est un sujet assez complexe et le cancer de la prostate aussi. Ce sont mes deux vidéos les plus vues et elle sont super bien référencées sur Youtube, parmi la cinquantaine en ligne maintenant.

D'où vient la fréquentation de ces vidéos ?

Les gens tombent dessus par hasard, en faisant une recherche sur telle ou telle pathologie. Mais il y a aussi les confrères qui connaissent et écrivent le lien vers une vidéo sur un post-it pour leurs patients. Cette « prescription » génère pas mal de vues. Les confrères me disent qu’ils visionnent parfois mes vidéos pour faire un petit rappel de connaissances sur telle ou telle pathologie. Surtout, ils trouvent que ça les aide à faire passer des messages de prévention simples, en reprenant le bon mot, la bonne métaphore.

Certaines facultés de médecine s’y mettent aussi. Ma vidéo sur la dépression est conseillée à la fac de médecine de Nantes. J’avais fait relire le script par une psychiatre, histoire d’être sûr de mon coup, vu la sensibilité du sujet, et maintenant elle la conseille à ses étudiants. Certaines associations de patients et groupes d’ETP aussi (dans le diabète, la BPCO, l’asthme) renvoient aussi vers mes vidéos.

Qui sont vos partenaires et/ou financeurs ?

J’ai de plus en plus de partenaires : la Cpam des Pays de la Loire, l’ANSM, le centre Ressources des traumatismes crâniens, etc. Certaines de mes vidéos sont maintenant réalisées en collaboration avec l’un de ces partenaires et je reçois parfois une aide financière. Je fais la bibliographie, un script, une approche sympa et en général, il n’y a pas beaucoup de modifications derrière. Disons que c’est un dédommagement du temps passé mais que je gagnerais mieux ma vie si j’étais au cabinet cinq jours par semaine ! Je précise que WhyDoc ne reçoit aucun financement de l’industrie pharmaceutique.

Comment conciliez-vous cette activité avec celle de médecin généraliste ?

Je suis trois jours par semaine au cabinet et je me suis dégagé deux jours pour WhyDoc et d’autres choses. J’aime bien cet équilibre : je ne pourrais pas faire que ça, ni être à temps plein au cabinet. C’est une activité qui me passionne donc j’y passe pas mal de temps, y compris le soir et le week-end. Je travaille souvent la nuit : entre 23 heures et une heure. C'est calme, on ne reçoit plus de notifications, mais j’essaie quand même de préserver ma vie de famille. Quand je bloque sur un sujet, je le laisse de côté pendant une semaine et je reprends le fil plus tard, je n’ai pas de pression. Je suis capable de réécrire une phrase dix fois pour la peaufiner ! En tout, certaines vidéos me prennent une centaine d’heures, depuis l’idée jusqu’à la réalisation.

Où puisez-vous l’inspiration et quels retours avez-vous ?

Je m’inspire des questions de mes patients, de mes lectures et de mes discussions avec des confrères. Je démarre souvent sur un coup de tête et j’ai d’ailleurs beaucoup de projets non aboutis. Les prochaines vidéos seront sur le sevrage des somnifères en partenariat avec l’ANSM et « Bébé mode d’emploi » avec la Cpam.

Les réactions sont globalement très positives. Mais il y a des trucs drôles aussi. Après ma vidéo sur le HPV, une dame a réagi en disant : « Jeter un coup d’œil dans le vagin, mais ça va pas la tête ! ». Pour éviter les polémiques et les insultes, j’essaie d’être lisse et d’expliquer de façon neutre. Sur la vidéo au sujet des vaccins, j’ai eu 91 % d’appréciations positives. Je pense que c’est parce que j’ai essayé de comprendre la logique des « antivax » au lieu de les attaquer frontalement.

 

 

Propos recueillis par Sophie Cousin

Source : Le Quotidien du médecin