LE QUOTIDIEN : D’après vous, quel rôle joue la féminisation en médecine ?
Dr FÉLICIA JOINAU-ZOULOVITS : Systématiquement élaborés par des hommes, les cours esquivaient l’approche globale du patient. Encore aujourd’hui, sauf exception, les chefs de service sont des hommes. Dans le 93 où j’exerce, j’ai mis en place des modules de communication et « savoir-être » pour les internes, en réaction à une idéologie dominante de la performance : qui va le plus vite ? Qui en fait le plus ? Et c’est là toute l’ironie : c’est lorsqu’on va contre cette façon de penser qu’on obtient de meilleurs résultats en matière de survie. Hélas, deux hommes ont claqué la porte à cause de ce « trop-plein » d’implication émotionnelle et personnelle.
Pour quelles raisons des pratiques dites « féminines » sont-elles susceptibles d’améliorer la survie ?
Quand le « care » n’est pas pris en compte, nous constatons inlassablement plus de complications. Aussi, dans mon service, je veille à ce que les collègues chirurgiens passent systématiquement voir les patientes en pré- et postop afin de s'assurer de la prise d'antalgiques. En effet, des patientes reviennent souvent à cause d’une douleur physique dont elles n’ont pas entendu parler, ce qui alimente le stress et augmente le risque de complications.
Un jour, un collègue s’en sortait mal avec une cœlioscopie, comme cela peut arriver à n’importe qui. Persuadé qu’il y arriverait seul, il a attendu trop longtemps avant de demander de l’aide. Des complications s’en sont suivies. Une femme médecin aurait eu plus de chances de faire preuve d’humilité et demander à être en binôme.
D’où viennent ces différences dans la pratique ?
Les femmes sont « dressées » à être de bons soldats. Très tôt à l’école, nous sommes dociles, désireuses de « faire plaisir ». L’ego est moins valorisé que chez nos confrères. Face à une femme qui prend des risques, la société crie à l’hystérie. Pour un homme, il s’agit de courage. Les femmes intègrent d’abord le cadre et après, pensent éventuellement en dehors. Les hommes le transgressent d’emblée.
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