LE QUOTIDIEN : Avec le site deuxièmeavis.fr, est-on bien dans le champ de la télémédecine ?
Dr Jacques Lucas : Nous ne sommes pas réellement dans les dispositions du décret télémédecine car le concept de ce site ne repose pas sur de la téléexpertise où un médecin sollicite l’avis de l’un de ses confrères dans une situation compliquée. Ici c’est le patient lui-même qui va solliciter un médecin pour un second avis, via une plateforme, annoncée comme « la meilleure du monde ». Cela pose un premier problème sur le plan déontologique. Nous ne contestons pas la qualité des confrères ou consœurs qui donneront les avis ; mais le site laisse entendre sur sa page d’accueil qu’on ne peut pas trouver mieux, cela a quand même un petit relent publicitaire.
Il y a un tas d’ambiguïtés dans cette offre marchande. Il est clair que ce site se présente, conformément à la directive européenne sur le e-commerce, comme étant un site de commerce électronique. Toutefois, l’idée conceptuelle du deuxième avis en utilisant les moyens du numérique ne doit pas être balayée d’un revers de main.
Quel type de dérives possibles existe-t-il avec le concept de deuxièmeavis.fr ?
La prestation n’est pas prise en charge pas l’assurance-maladie. Le patient se place donc lui-même en dehors du parcours de soins, prévu par la convention nationale. Certes, on ne peut pas lui imposer d’être dans le parcours de soins. Cependant, il y a un point éthique qui est que si le médecin consultant n’est pas du même avis que le premier médecin, la déontologie lui impose de se mettre en relation avec lui avec l’accord du patient.
La deuxième question est la place exacte des mutuelles ou des assureurs complémentaires dans ce dispositif. Vont-ils prendre en charge les coûts de cette prestation ? On se retrouve alors dans une voie parallèle de prise en charge par les complémentaires.
Par ailleurs, il est clair que la responsabilité du médecin en cas de contentieux est engagée puisqu’il a donné un avis et qu’il a été rétribué pour cela.
Face à l’« uberisarion » de la santé, l’Ordre national des médecins va-t-il se placer comme vigie ou comme facilitateur ?
Le CNOM ne passera pas son temps à espionner l’espace numérique. C’est impossible. Nous allons nous exprimer sur deux axes dans un rapport dont la publication est prévue au premier trimestre 2016 : premièrement, l’organisation de la prise en charge des soins dans les territoires car dans notre grande consultation, 70 % des sondés disent qu’il faut désormais y intégrer le numérique ; deuxièmement, les règles déontologiques qu’induit le numérique, en lien avec l’indépendance professionnelle du médecin, la publicité, etc. Le rapport comportera aussi des propositions concrètes relatives à l’évolution de la réglementation.
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