À la veille de sa première Université d'été, samedi 25 juin à Dijon, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-Syndicat, appelle libéraux et hospitaliers à jouer collectif pour sauver le système de santé. Le généraliste de Fronton annonce aussi... des assises du déconventionnement en novembre pour « faire bouger les lignes » !
LE QUOTIDIEN : Vous organisez samedi la première Université d'été de l'UFML-S, syndicat désormais représentatif. Quels messages souhaitez-vous adresser à vos troupes ?
DR JÉRÔME MARTY : C'est d'abord un moment d'échanges, axé principalement sur les questions pratiques autour de l'exercice médical. J'aurai néanmoins l'occasion de porter un message politique de combat lors du discours de clôture. Nous allons entrer dans une période qui risque d'être encore plus difficile pour la médecine et pour la santé en général. Et face à une absence récurrente de volonté des politiques pour développer véritablement la médecine de ville, nous allons devoir nous mobiliser pour l'imposer. Les médecins devront être présents pour peser dans les discussions à venir.
Face à une crise sans précédent de l'accès aux soins, la ville et l'hôpital pourront-ils dépasser leurs clivages pour jouer collectif ? Si oui, à quelles conditions ?
Oui, je veux le croire ! Le système de santé va trop mal pour que libéraux et hospitaliers regardent leur nombril. Nous devons nous mobiliser collectivement pour le sauver et le refonder. Cela ne peut pas se faire uniquement avec le regard hospitalier ou celui de la ville. Je sais que, dans la pratique individuelle, c'est différent. Il n'y a pas un seul généraliste de ville qui ne fonctionne pas en interface avec un médecin hospitalier. Mais sur le plan collectif, il est rare qu'un syndicat hospitalier dise qu'il faut aider la ville. Pourtant, cela est en train de changer.
Comme dans toute action collective, il faudra que chacun abandonne une part de ses prérogatives. L'hôpital devra accepter par exemple que la ville soit plus présente dans un certain nombre de domaines. Je pense aux urgences qui restent aujourd'hui réservées au service hospitalier public. Il faut sans doute qu'on monte des centres libéraux sur tout le territoire, qui traiteront des petites urgences, avec un équipement d'imagerie et de radiologie. Cela permettra de faire des diagnostics sans avoir à adresser les patients dans une structure hospitalière.
Il faudra aussi améliorer les passerelles entre nos exercices. Grâce à des modifications réglementaires, les hospitaliers pourront travailler en ville et vice-versa. Nous avons déjà proposé qu'un médecin libéral puisse exercer un jour par semaine à l'hôpital pour résoudre la problématique de la pénurie des praticiens hospitaliers. En contrepartie, il pourra avoir accès aux honoraires complémentaires. Et s'il accepte de donner de son temps pendant sept ans, il sera autorisé à conserver définitivement ce droit aux dépassements encadrés. De même, un médecin hospitalier qui accepte d'exercer une journée dans un désert médical pourra avoir une meilleure rémunération qu'il gardera définitivement s'il le fait au-delà de sept ans.
La mission Braun va rendre dans quelques jours ses propositions sur les urgences et les soins non programmés. Quelles sont les mesures prioritaires ?
Il ne peut y avoir de résolution de la crise sans une enveloppe très conséquente pour redonner de l'attractivité à l'ensemble du secteur de la santé. Cela signifie, tant en ville qu'à l'hôpital, une meilleure rémunération des soignants, à la hauteur de leur responsabilité, mais aussi une meilleure qualité au travail en diminuant la charge administrative. On ne peut plus accepter de passer, sur un temps de soignant d'une heure, 25 minutes derrière un clavier ! Ces mauvaises conditions de travail engendrent une perte de sens qui pousse les médecins à abandonner leur métier.
En tout cas, nous n'accepterons plus les rustines comme les forfaits par-ci par-là. Dans une enquête de l'URPS Nouvelle Aquitaine auprès de 10 000 médecins, la demande principale demeure la valorisation du paiement à l'acte, y compris pour la prévention. Nous sommes des libéraux, avec un esprit entrepreneurial. Nous voulons bien continuer à travailler 55 heures mais il faudra mieux nous reconnaître, sinon on arrêtera.
Justement, vous voulez organiser des assises du déconventionnement en novembre. Est-ce que c'est le bon moment en pleine crise de l'accès aux soins ?
C'est le bon moment car ce qui est rare est cher. L'idée n'est pas un appel au déconventionnement individuel mais collectif. Notre démarche consistera d'abord à explorer pendant deux jours toutes les conséquences d'un tel mouvement en termes économique, sociologique et même philosophique. Après, nous rédigerons un livre blanc du déconventionnement avec des éléments précis pour éclairer les médecins. Nous commencerons à récupérer les déclarations de confrères qui souhaitent se déconventionner. Au-delà d'un taux d'engagement que nous aurons défini, on déclenchera cette opération.
Nous pensons que cette démarche collective est un moyen de provoquer les politiques et de faire bouger les lignes. Cela pourrait aussi créer un marché et intéresser les complémentaires santé. On parviendra à diminuer les inégalités liées à ce déconventionnement par le remboursement en lien avec les mutuelles ou les assurances. Pour ne pas pénaliser les bénéficiaires des complémentaires santé solidaire, des tarifs sociaux seront prévus pour eux.
Vous avez fait l'objet personnellement de nombreux messages injurieux sur Internet, allant jusqu’à des menaces de mort. Que comptez-vous faire contre ce harcèlement en ligne ?
Depuis le début, je rends coup pour coup. Dans une journée, je peux prendre dans la figure plus de 30 000 tweets injurieux, diffamatoires et menaçants. Au bout d'un moment, cela pèse, non pas trop pour moi, mais plus pour mes enfants. Donc, il faut dire stop. Je vais conserver tous les tweets produits par certains profils bien connus de la complosphère ou de personnalités un peu médiatiques qui instrumentalisent la violence. Une fois le dossier constitué par ces messages qui relèvent du harcèlement numérique, j'attaquerai. Ces personnes devront répondre devant la justice dans les semaines à venir.
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