LE QUOTIDIEN : La première phase de la grande enquête sur la santé des soignants que vous avez menée vient de se terminer. En connaît-on les premiers résultats ?
Dr MARINE CREST : Comme nous avons prolongé la mise en ligne du questionnaire jusqu’au 26 avril pour permettre à davantage de personnes de participer, nous devrions avoir les premiers résultats vers la mi-mai. Ce questionnaire a été diffusé sur le site des ministères de la Santé, sur les réseaux sociaux et envoyé aux Ordres, aux syndicats et aux associations de professionnels de santé. Au dernier relevé, près de 50 000 soignants y ont déjà répondu !
Quelles seront les phases suivantes ?
Le questionnaire n’est qu’une première étape. Beaucoup d'études ont été réalisées sur la santé des soignants. L’idée n’est pas de recommencer des choses déjà faites mais de définir et d’axer les priorités, en s’appuyant sur des actions qui sont déjà en place. Il y a celles qui doivent être favorisées ou développées plus rapidement et celles que le ministère peut aider. Je pense par exemple aux activités de sport santé, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
L’objectif est donc dans un premier temps de recenser ce qui existe en termes de réponses et de prise en charge de la santé des soignants ?
La volonté de cette mission, c’est de coordonner les actions qui sont déjà en place, après avoir dressé un état des lieux de l’existant. Sur le terrain, beaucoup d’associations et d’établissement sont investis dans la santé des soignants. Nous voulons recenser, sur l’ensemble du territoire, qui fait quoi, comment il le fait, et quel type d’action est conduit. Ce qui, à l’arrivée, permettra au ministère de la Santé de donner des consignes claires, par exemple aux ARS, aux hôpitaux et aux libéraux, pour que chacun, à son échelle, puisse mettre en application des actions qui seront coordonnées. À l’issue, nous souhaitons créer un numéro unique d’appel pour que les personnes qui sont sur les plateformes téléphoniques sachent à qui adresser un soignant en souffrance en fonction de ses besoins.
Concrètement, comment cela va-t-il s’organiser ?
Nous avons déjà mis en place une adresse mail : contact@santedessoignants.fr pour que les acteurs puissent nous envoyer, non pas leurs doléances, mais leurs idées, leurs propositions et les actions qu’ils réalisent. Nous allons constituer une grande banque de référence des actions. Elle sera ensuite accessible à tout le monde. Parce que l’un des problèmes aujourd’hui dans le soin aux soignants est aussi la communication. Nombre de professionnels de santé ne savent pas qu’il existe des numéros d’appel gratuits, des plateformes à appeler quand ils ne vont pas bien.
Ils ignorent également ce à quoi ils ont droit dans telle ou telle situation et qu’il existe des associations qui peuvent les aider. C’est d’ailleurs aussi vrai pour certains DRH et médecins du travail qui ne connaissent pas tous les outils qui pourraient être utiles aux professionnels de santé. Avec cette adresse internet, nous lançons un appel à participation positive. Nous devrions ensuite être en mesure de créer un site internet commun à toutes les associations, avec une campagne nationale de communication qui, en substance délivrerait le message suivant : à cette adresse, vous trouverez toutes les informations relatives à la santé des soignants, avec les associations qui existent etc. Ce devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année.
En parallèle, votre mission a également commandé des études sur la santé des soignants sur des thèmes spécifiques…
Oui, elles sont au nombre de quatre : une sur la grossesse et la maternité des soignants au CHU de Toulouse ; une autre sur le taux de mortalité et les éventuels retards de dépistage du cancer chez les professionnels de santé, menée par les Hospices civils de Lyon ; une troisième sur l’impact des risques biologiques et environnementaux sur la santé des soignants conduite conjointement par l’Université d’Angers et l’Inserm ; et enfin une quatrième sur les risques psychosociaux et addictifs chez les infirmières salariées et libérales organisée par l’École des hautes études de santé publique (EHESP). En tout, elles devraient prendre deux ans, mais je pense que nous serons à même de faire un premier point d’étape d’ici la fin de l’année.
Quand avez-vous été sollicitée pour participer à cette mission ?
J’ai été contactée par le ministère en novembre dernier, mais quant à savoir pourquoi ils m’ont choisi moi… Peut-être à travers l’expérience que j’ai du sujet avec mon association « Guérir en Mer » et le fait que j'ai une formation psy et que je suis sensibilisée à la cause spécifique du burn-out chez les soignants depuis mon internat.
Comment s’articule votre travail avec les deux autres membres de la mission ?
Nous faisons un point téléphonique tous les jours. Chacun a son réseau, ses connaissances, son expérience. Nous sommes complémentaires. Nous n’avons pas le même âge, je suis une femme, ce sont des hommes. Il y a un chirurgien, le plus âgé d’entre nous, le Dr Philippe Denormandie, avec beaucoup d’expérience dans le secteur médical, et un jeune infirmier militaire, Alexis Bataille-Humbert. Pour ma part, je m’occupe plutôt des dossiers médecins libéraux, associations et femmes.
Ce nous voulons réaliser, c’est parvenir à sortir du palliatif dans le soin aux professionnels de santé et trouver des réponses en amont. Parce qu’on le sait, les soignants vont mal et se soignent mal. Leurs conditions de travail sont très dures, que ce soit en ville ou à l’hôpital et ils sont mal rémunérés. Toutes ces choses additionnées font qu’un jour vous pouvez vous retrouver à craquer malgré vous. Il est essentiel de les aider à apprendre à prendre soin d’eux avant que le burn-out ne survienne.
Entendez-vous également développer cette approche de prévention au sein de la formation initiale des différents cursus ?
Dr MARINE CREST : Oui, parce que savoir prendre soin de soi, se ménager du temps, cela s’apprend. Et ce doit être présent au cours de la formation initiale du soignant, quelle que soit sa profession. Il faut d’abord lui apprendre à prendre soin de lui avant de prendre soin de l’autre. C’est aussi le but de cette mission, faire avancer les choses de façon pérenne, de façon que la vocation des étudiants en santé, une fois en exercice, puisse rester intacte. Mais tout ceci demande du temps.
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