Avec son confrère Ariel Tolédano, le Dr Philippe Garat publie « le Guide des certificats et autres écrits médicaux* ». Il met en garde contre les pièges de ces documents de plus en plus souvent demandés aux médecins.
LE QUOTIDIEN : Vous publiez « le Guide des certificats et autres écrits médicaux ». Y a-t-il un problème particulier avec ces documents ?
Dr PHILIPPE GARAT : Le Dr Tolédano et moi-même sommes membres de la chambre disciplinaire du conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France. Nous savons que les certificats médicaux font partie des causes les plus courantes de plaintes, parce qu’ils sont mal rédigés. Lors de l’affaire France Telecom, il y a eu des certificats indiquant « harcèlement de l’employeur ». Or on ne peut attester que ce dont on est témoin.
Nous avons donc étudié tous les certificats qu’il est possible de demander et avons fait ressortir les situations qui nous paraissaient les plus compliquées : le divorce, le travail et les assurances, soit le tiercé gagnant des certificats à risque.
Le divorce est-il un sujet particulièrement sensible ?
En la matière, le meilleur certificat est celui qu’on ne rédige pas ! Un avocat va par exemple tenter de faire écrire au médecin des choses qu’il n’a pas vues. Comme « je constate que les enfants ne sont pas bien au lendemain du week-end avec leur père ». Or le médecin ne peut faire le lien entre le week-end avec le père et la maladie d’un enfant. Les certificats demandés dans le cadre d’un divorce constituent 70 % de ceux qui arrivent au contentieux à l’Ordre.
Le contexte de l’entreprise est-il différent ?
Quand un salarié est en conflit avec son employeur, son avocat demande souvent qu’un médecin atteste qu’il va mal, du fait de son employeur. Celui-ci peut attester que son patient est anxieux ou dépressif, mais il ne peut pas faire le lien avec son travail.
Enfin, un praticien ne peut rien rédiger à la demande d’un assureur. Ce serait divulguer le secret médical. Exemple : vous sollicitez un emprunt et l’assureur vous demande de remplir un questionnaire. Vous y indiquez que vous souffrez d’HTA. L’assureur demande une attestation sur votre HTA. Il sait qu’il n’a pas le droit de le demander, mais il le fait quand même. Nous avons fait condamner des médecins travaillant pour des assureurs, qui insistaient lourdement pour obtenir ce type de certificat, en prétendant que c’était légal.
Quel est le certificat le plus farfelu que vous ayez vu ?
J’ai vu le cas d’un professeur de psychiatrie qui avait écrit un certificat de cinq pages. Il était visiblement sous le charme de la femme en procédure de divorce qui le lui avait demandé, et avait manifestement écrit sous sa dictée. Malheureusement pour lui, le mari de cette personne était avocat. Résultat, six mois de suspension.
Un conseil à donner aux médecins ?
Le conseil, c’est de toujours bien réfléchir avant d’écrire un certificat, et au besoin, de prendre l’avis d’un confrère. Un certificat n’est que très rarement une urgence. Même un certificat d’aptitude à la pratique d’un sport nécessite un examen sérieux du patient. Notre société est ainsi faite que tout le monde se protège, et que le médecin devient un fusible.
* Med-Line Editions, 150 pages, 15 euros.
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