Exit le certificat obligatoire de sport pour les mineurs : Bercy s'empare du sujet et attend 30 millions d'économies sur les consultations

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Publié le 10/02/2020
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Crédit photo : S. Toubon

C'est un feuilleton à rebondissements qui agace passablement la profession.

Fin décembre, le Conseil constitutionnel censurait un article de la loi de financement de la Sécu 2020, qui venait de supprimer l'obligation de production d'un certificat médical de non-contre-indication pour l'obtention d'une licence sportive par un mineur. La ministre de la Santé Agnès Buzyn avait alors indiqué que cette disposition aurait vocation à être « à nouveau soumise au Parlement en 2020 ».

C'est chose faite, mais cette fois à l'initiative de Bercy. Cette mesure se retrouve en effet dans le projet de loi fourre-tout pour « l'accélération et la simplification de l'action publique » (dit ASAP), texte porté par Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances, et Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, et qui vient d'être présenté en conseil des ministres. 

Bercy libère du temps médical

Bercy assure vouloir « simplifier la vie des parents, l’accès des jeunes au sport et libérer du temps médical ». Selon l'étude d'impact présentée au Sénat, l'obligation de certificat médical « alourdit les démarches pour l’accès au sport et apparaît superflue pour les mineurs », puisque ces derniers bénéficient déjà, depuis 2019, d’un parcours de santé comprenant « vingt consultations médicales obligatoires de leur naissance jusqu'à 18 ans », assurant un suivi régulier de l’aptitude physique. Un argument déjà mis en avant lors du débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Si la loi est votée en l'état, le certificat médical de non-contre-indication sera remplacé par un questionnaire relatif à l'état de santé du mineur, rempli par ce dernier et ses représentants légaux. La licence ne sera accordée que si le sportif a répondu « non » à l’ensemble des questions de cette déclaration. Une question complémentaire permettra de vérifier que l’enfant a bien réalisé la dernière consultation obligatoire prévue pour sa tranche d’âge.

L'examen médical – et donc le certificat – ne seront nécessaires que si l'une des réponses au questionnaire est positive. « Des actions de communication seront menées à destination des médecins et des acteurs du monde du sport », assure le gouvernement.

30 millions d'économies par an

Le gouvernement fait valoir qu'en 2016, le dispositif des certificats de sport a déjà été allégé, rendu obligatoire tous les trois ans seulement sauf pour les disciplines sportives particulières (à risques). Mais « ces dispositions n’apparaissent pas suffisantes au regard des résultats attendus notamment en matière de libération du temps médical et de maîtrise des dépenses de ville », relève le gouvernement. Il rappelle que ces certificats sont, dans la grande majorité des cas, effectués au cours de consultations médicales remboursées par l’assurance-maladie.

La délivrance du certificat de non-contre-indication à la pratique sportive n’est pas exigée dans plusieurs pays comparables à la France, comme l'Allemagne, l'Australie ou le Canada. Les sociétés de médecine du sport y recommandent l’utilisation d’auto-questionnaires par le sportif, avec une consultation médicale uniquement s’il répond positivement à l’une des questions.

Le SML « heurté »

Un décret devrait entériner cette mesure, au plus tard le 31 août 2020. Elle concerne plus de six millions de mineurs licenciés dans des clubs ou fédérations sportives. Selon les hypothèses de Bercy, les économies qui pourraient « potentiellement découler » de cette réforme sont de l’ordre de 30 millions d'euros par an.

Le SML a réagi ce lundi, « heurté » que Bercy s’empare du sujet de l’accès à la pratique sportive des enfants « dans le seul but de supprimer la consultation médicale nécessaire à l’établissement du certificat d’aptitude ». « La multiplication des consultations obligatoires est au contraire une chance pour les enfants », juge le syndicat de Philippe Vermesch, précisant qu'elles permettent de dépister les difficultés liées à l’environnement du mineur.


Source : lequotidiendumedecin.fr