Annoncée par Élisabeth Borne dans le cadre de sa feuille de route santé, la proposition de loi (PPL) sur l'accès aux soins portée par le député Frédéric Valletoux (Horizons), soutenue par la majorité présidentielle, sera débattue la semaine du 12 juin à l'Assemblée nationale.
Contrairement à la première mouture de février, ce texte ne prévoit aucune régulation punitive à l’installation des médecins libéraux pour combattre les inégalités territoriales. À l’époque, face au tollé de la profession et dans un contexte de grève des médecins, Frédéric Valletoux, ex-président de la FHF, avait rapidement retiré ce texte du groupe Horizons (défendu initialement par l'ex-député Thomas Mesnier) qui proposait un « nouveau mode d’autorisation d’installation ». Cette fois, sa proposition de loi s'emploie à calmer les esprits et mise sur une « meilleure organisation territoriale des soins, par les acteurs de terrain eux‑mêmes, en encourageant une meilleure coordination ».
Le territoire de santé, échelon de référence
Ainsi, le « territoire de santé » – déjà défini dans le Code de la santé publique – est supposé devenir l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé. Le conseil territorial de santé (CTS, qui existe depuis 2016) en devient « l’organe de gouvernance » et de démocratie sanitaire, qui définit et met en œuvre le projet territorial de santé. Tous les acteurs de santé – dont les usagers – y sont représentés.
Un des objectifs de cette nouvelle gouvernance locale est de redéfinir les délimitations actuelles par les acteurs de santé concernés (en lien avec l’ARS) « selon des frontières cohérentes, qui ne sont pas nécessairement administratives ». Au programme, l’accès aux soins, l’équilibre territorial de l’offre de soins et la permanence des soins sur chaque territoire. « Les professionnels de santé s’organisent entre eux, via le CTS, pour répondre aux objectifs d’organisation des soins. Si ces objectifs ne sont pas atteints, alors l’agence régionale de santé, après consultation du CTS, pourra mettre en œuvre des mesures pour améliorer l’accès aux soins », peut-on lire.
Les CPTS incontournables ?
Si la PPL est votée en l'état, les soignants devront coopérer sur ces projets de santé partagés en adhérant aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ces pools de libéraux censés structurer les soins primaires. L'article 3 du texte propose à cet effet « le rattachement de tous les professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé ». Une adhésion automatique en quelque sorte, sauf refus explicite. Les CPTS prendront ainsi tout leur sens à la condition « qu’elles maillent l’ensemble du territoire et qu’elles emmènent l’ensemble des professionnels libéraux », peut-on lire dans l'exposé des motifs. L'objectif est de couvrir la France entière « d'ici à fin 2023 », a annoncé François Braun, avec un millier de communautés.
Pour assurer la continuité des soins, le texte propose ensuite de « rendre effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous », dans une approche collective et partagée. L'article 4 clarifie ainsi l'implication de « tous les établissements de santé » – publics et privés – en cohérence aussi avec les règles de la PDS ambulatoire. Le DG de l’agence régionale de santé pourra appeler tous les hôpitaux et les cliniques à « contribuer » à la permanence des soins hospitalière, en cas de difficulté. Pour rappel, la loi (Rist) votée cette semaine pose le principe d'une « responsabilité collective » des professionnels de santé pour la mission de service public de permanence des soins, tant en établissement qu’en ville. L'objectif de ces deux textes est de garantir aux patients un accès aux soins non programmés en répartissant l'effort entre l'ensemble des structures et les libéraux d’un territoire.
Les CESP élargis
La proposition de loi Valletoux élargit ensuite le contrat d’engagement de service public (CESP) – jusqu'ici réservé aux carabins de deuxième cycle ou aux internes de médecine et d'odontologie – aux étudiants en maïeutique et pharmacie « à l’issue de la 2e année du premier cycle des études de santé ». Le CESP actuel prévoit que les étudiants en médecine peuvent se voir accorder une allocation mensuelle en contrepartie d’un engagement à exercer deux ans minimum sur un territoire fragile après la fin de leur formation. Cet article permet donc d’élargir cet outil, parfois qualifié de bourses anti-déserts.
La lutte contre l'intérim médical et ses dérives fait aussi partie de la panoplie. La PPL interdit cette pratique « à tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, en début de carrière, dans des conditions définies par décret ». Cette mesure figurait initialement dans la loi Sécu mais avait été censurée.
Deux articles concernent enfin les médecins étrangers. La proposition de loi propose d'abord de « faciliter l’exercice » des praticiens diplômés hors de l’Union Européenne (Padhue) sur le territoire national avec « une autorisation temporaire d’exercice » valable en établissement de santé et dans le secteur médico‑social ou social (public ou privé à but non lucratif). Une autorisation temporaire censée permettre aux Padhue de s’inscrire « dans une démarche de reconnaissance de leur diplôme ». Et toujours pour répondre au besoin criant de recrutement de personnel médical qualifié dans les hôpitaux, le texte reprend la création d'une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de la pharmacie », qui figurait initialement dans le projet de loi immigration.
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