DEPUIS LE MOIS de mai, les Drs Élizabeth Delpuech, Bernadette Berneron et Dominique Huez font l’objet de plaintes devant le Conseil de l’Ordre. Fait nouveau, les trois médecins du travail sont dans le collimateur de leurs employeurs (EDF et un de ses sous-traitants, Orys). Ces trois mises en cause, sur lesquelles syndicats de professionnels ont promptement pris position, illustrent le jeu d’équilibriste auquel se livrent les médecins du travail, entre leurs obligations de salariés de l’entreprise et la nécessité de défendre leur indépendance vis-à-vis d’elle.
Une affaire emblématique.
Les trois praticiens sont accusés d’avoir produit certificats médicaux et courriers « de complaisance », manquant au secret médical. Le cas du Dr Huez est emblématique. Fin 2012, le praticien rédige un certificat pour un salarié de la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire), document utilisé par ce dernier dans le cadre d’une plainte prud’homale. Convoqué le 7 mai devant la commission de conciliation (sous l’égide de l’ordre départemental), le médecin était aux abonnés absents. « C’est une injonction que d’avoir à expliquer mes pratiques professionnelles en présence de l’employeur de mon patient, estime le Dr Huez. Cela va à l’encontre de notre devoir d’indépendance ». Le 15 mai, l’Ordre départemental s’est désolidarisé du praticien, « en s’associant à l’unanimité » au dossier de plainte, aujourd’hui entre les mains de la Chambre disciplinaire de l’Ordre de la région Centre, qui statuera à l’automne. « Après avoir jugé inutile de nous rencontrer, le Dr Huez s’est répandu dans la presse alors que le secret professionnel aurait voulu qu’il se taise, explique le Dr Roger Terrazzoni, de l’Ordre départemental. Son rapport médical contient des appréciations très personnelles sur le patient ».
Appel à réviser la loi.
Depuis 2007, les employeurs peuvent saisir la juridiction ordinale à la faveur d’une modification du code de la santé publique. Sans les citer nommément, la loi ne les exclut pas pour autant de la liste des plaignants. Cette « aubaine » lexicale pose la question de la « légitimité des employeurs à porter plainte », lit-on dans la pétition de soutien aux trois médecins incriminés, signée par 9 400 professionnels de santé et relayée par les syndicats de médecine du travail (SGMPSST, SNPST et l’association Santé et médecine du travail). Leur crainte : que les employeurs n’abusent du dispositif pour « déclencher un réflexe de peur et d’abstention de témoignage chez les médecins du travail ». Tousappellent à la révision de la loi et à l’abandon des poursuites disciplinaires.
Aujourd’hui, impossible de chiffrer le nombre de plaintes d’employeurs sur la totalité des dossiers. L’Ordre reste muet. Dans la région Centre, la chambre disciplinaire suit une quarantaine d’affaires. La situation est-elle si tragique ? « Les médecins incriminés peuvent contester la décision de la chambre disciplinaire auprès de l’Ordre national, tempère le Dr Mireille Chevallier, membre du SNPST et médecin du travail dans la Vienne. À ma connaissance, aucun médecin du travail du territoire à avoir fait appel n’a à ce jour été sanctionné ».
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