LE QUOTIDIEN : Vos propositions sur la Sécu ont soulevé une vive polémique et troublé jusque dans votre propre camp… Estimez-vous avoir corrigé le tir face aux accusations de « privatisation » de l’assurance-maladie ?
FRANÇOIS FILLON : On m’a fait un procès d’intention ! On a caricaturé mes propositions en voulant faire croire que j’avais l’intention de privatiser la Sécu ! Sur la question de la prise en charge des dépenses de santé, j’avais posé la question de l’articulation des rôles entre assurance-maladie et complémentaires car j’estimais qu’il y avait un problème de clarté du financement et qu’il y avait encore des « trous » dans notre système de protection. Je reconnais que la façon dont les choses ont été formulées n’était pas, sans doute, la meilleure. J’ai voulu lever les ambiguïtés sur ce point.
Vous envisagez une nouvelle répartition des rôles entre la Sécurité sociale et les mutuelles. Le niveau global de remboursement de l’assurance-maladie obligatoire devra-t-il diminuer ?
Il n’est pas question de toucher à l’assurance-maladie, et encore moins de la privatiser, ni de baisser son taux d’intervention dans le financement de l’ensemble des dépenses de santé. L’assurance-maladie obligatoire restera bien le payeur principal. C’est en rendant plus lisible la couverture par l’assurance-maladie obligatoire des dépenses de santé que nous rendrons aussi plus justes les remboursements des soins pour les Français. Je propose de travailler en concertation avec les complémentaires, et notamment la Mutualité, pour clarifier le financement des dépenses. C’est le sens de la création de l'agence de garantie de la couverture solidaire des dépenses de santé.
La question du reste à charge s'est invitée dans la campagne. Que proposez-vous pour le remboursement des soins optiques, dentaires et des dépassements d'honoraires ?
Je vise d’ici à 2022 un reste à charge zéro pour les postes de dépenses qui sont à l’origine du plus grand nombre de renoncement aux soins, donc naturellement pour l’optique pour les adultes, les prothèses dentaires et les audioprothèses, ou encore les dépassements d’honoraires. Nous pouvons y arriver grâce à ce nouveau partenariat avec les organismes complémentaires. J'ajoute que dès 2017, la Sécurité sociale remboursera à 100 % les lunettes pour les enfants.
Quel sera le rôle de la nouvelle agence nationale de régulation de la couverture solidaire que vous souhaitez mettre en place ?
Elle aura la charge de faire vivre ce partenariat avec les organismes complémentaires. Elle contrôlera l’évolution des cotisations des complémentaires, la maîtrise de leur frais de gestion, la clarté des contrats et la qualité et la sécurité des prestations remboursées. Dans ce domaine, il faut un maximum de transparence ! Elle réunira des représentants de l’État, de la Sécurité sociale, des complémentaires et des professionnels de santé.
Estimez-vous que les réseaux de soins pilotés par les complémentaires santé devraient intégrer aussi des médecins ?
Non ! Ce serait porter atteinte au principe du libre choix de son médecin auquel je suis profondément attaché. C’est l’élément qui fonde la confiance entre un patient et son médecin.
En ville, que proposez-vous exactement sur le tiers payant dont la généralisation est programmée en novembre ?
Je supprime l'obligation de l'appliquer mais je laisserai les professionnels qui le souhaitent continuer à le pratiquer. La généralisation est absurde car elle est déresponsabilisante. On fait croire aux assurés que la santé, c'est gratuit. Il faut au contraire que chacun fasse un usage responsable du système de santé car nos ressources ne sont pas infinies et la Sécurité sociale est un bien commun qu'il faut préserver. En voulant l’imposer, le gouvernement socialiste a montré son mépris des médecins. Je respecte la liberté d'exercice des médecins et je ne veux pas leur imposer de contraintes administratives supplémentaires alors qu'ils consacrent déjà 15 % de leur temps à des tâches administratives.
Vous voulez revaloriser l’exercice libéral. Comment ?
Pendant cinq ans, les médecins ont souffert d’une absence de dialogue et d’une bureaucratisation progressive de leur activité. Je veux leur redonner de la liberté en protégeant les principes fondamentaux de l’exercice libéral qui font l’originalité et l’excellence de la médecine française : la liberté de choix du patient, l’indépendance professionnelle du médecin, la liberté d’installation, mais aussi la rémunération de l’acte à sa juste valeur.
Je veux rémunérer les médecins et tous les professionnels de santé à la hauteur de leur mérite. Je reviendrai également sur le plafonnement du remboursement des dépassements d’honoraires pour les médecins en secteur II dans les contrats dits « responsables » des complémentaires. Je veux conforter le rôle de la médecine de ville. Priorité sera donnée à la mise en œuvre des parcours de soins dont le médecin traitant sera l’acteur central.
Quelles sont vos propositions principales en matière de prévention ?
En France, nous sommes très bons sur le soin mais la prévention est le parent pauvre de notre politique de santé. Nous le savons depuis des années et nous ne faisons rien. Je veux faire de la prévention et du maintien en bonne santé des Français une priorité. La principale mesure que je propose, c’est la prise en charge par l’assurance-maladie d’une consultation de prévention tous les deux ans pour tous les Français. Elle sera assurée par le médecin traitant qui verra reconnaître son rôle clé dans le « maintien en bonne santé » des Français. Cette consultation sera plus longue qu’une consultation « classique » et elle sera mieux rémunérée.
Envisagez-vous, oui ou non, une réduction des effectifs de la fonction publique hospitalière sur la durée du quinquennat ?
Il n’y aura pas de réduction des effectifs médicaux et soignants auprès des malades. Le retour progressif aux 39 heures sera négocié au plus près du terrain, là où l’on sait trouver les bons compromis.
Vous souhaitez réaliser 20 milliards d’euros d’économies en 5 ans sur la santé. Quels seront les principaux gisements d’économies ?
Impossible de continuer avec une assurance-maladie en déficit permanent. Les Français le savent, c’est l’avenir de la Sécu qui est en jeu. Nous ferons 20 milliards d’économies sur 5 ans grâce à des efforts d’efficience, ce qui nous permettra de maintenir la progression de l’ONDAM en deçà de 2 % chaque année. Au plus tard en 2022, l’assurance maladie sera à l’équilibre !
Nous traquerons tous les problèmes d’organisation qui créent de la non-qualité dans notre système de soins : amélioration de la coordination des soins avec les parcours de soins ; fin de l’hospitalocentrisme ; réduction des soins inutiles ou redondants ; renforcement de la prévention ; lutte contre les fraudes ; coûts administratifs excessifs. Une étude récente de l’OCDE montre que le coût du gaspillage varie selon les pays de 20 à 50 % de leurs dépenses de santé. Nous avons de la marge !
Vous envisagez des États généraux de la santé fin 2017. À quoi serviront-ils ?
Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, la santé est un sujet complexe. Pour que la réforme réussisse, l’adhésion des principaux acteurs est indispensable ! Nous allons donc continuer à dialoguer avec l’ensemble des professionnels de santé au second semestre 2017, comme nous l’avons fait tout au long du mois de janvier. On va ainsi préparer des « Assises de la santé » qui se tiendront fin 2017/début 2018. C’est à ce moment-là que nous définirons précisément les mesures de modernisation de notre système de santé. Cela vous montre quelle sera ma méthode de conduite de la réforme.
Les « affaires » qui vous concernent ont-elles un impact sur le contenu de votre programme santé ou la méthode pour l’appliquer ?
Ce que vous appelez les affaires renforce ma détermination de me battre car mon projet est le meilleur pour le pays !
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