C'est la fable du généraliste devenu chirurgien, vue au travers de l'histoire d’une petite tranche de vie…
Fraîchement émoulu des bancs de la Faculté, il avait enfin atteint son premier but, diplôme et thèse en poche, la fierté de sa famille qui découvrait alors ce monde ésotérique. Mais aussi le fruit de multiples renoncements ludiques, de beaucoup de contraintes pour assurer la subsistance quotidienne, avec son lot de baby-sitting, de cours particuliers, d'emplois précaires en manutention ou en « pion » de lycée, puis au fil des années d'étude en « médicalisant » pas à pas les petits jobs de nuit pour pouvoir poursuivre ses obligations universitaires le jour : standardiste hospitalier, aide soignant remplaçant, puis infirmier de nuit…
Enfin prêt, avec beaucoup de projets plein la tête et beaucoup d'idéaux ! Enfin devenir Médecin Généraliste, courir la campagne au contact du patient, guérir au chevet du vieillard et de l’enfant, faire son métier sans soutane mais aider, soulager, comprendre, aimer.
Puis la réalité le rattrape. Perdu à 26 ans au fond d’une vallée profonde et froide, une nuit d’orage où l'éclair vient éblouir la nuit et le tonnerre rouler sur les cimes, le petit nourrisson qui l’a fait venir crie toujours… de plus en plus fort… Il n’y comprend plus rien… juste ses mains et ses oreilles, juste la clinique, cette véritable science des sens que ses Maîtres avaient essayé de lui enseigner… Mais tout cela n'a déjà plus de sens pour lui en ce moment… Aucune habitude… Ce n’était pas non plus prévu dans les cours de cette belle professeure de pédiatrie qui lui faisait pourtant briller ses yeux de jeune étudiant ! Les gouttes de sueurs commencent à perler sur son front. Pourvu que les parents ne s'en aperçoivent pas ! Les mains deviennent moites, et tout juste s'il ne fait pas dans son froc… Maintenant il a tout essayé, même l’eau chaude, puis l’eau froide, et il se surprend alors à rêver à de l’eau bénite… Le bébé crie toujours, de plus en plus fort… Il attend encore ce vomissement qui ne vient toujours pas, mais qui aurait pu amorcer un semblant de début de diagnostic pour l’offrir à ces jeunes parents pendus à ses lèvres à l’écoute de cet espoir qu'il n’est toujours pas capable d’évoquer… Ouf… Deux heures après les pompiers arrivent enfin pour évacuer le nourrisson vers l’hôpital de la grande ville. Sauvé ! Qui ? Le bébé ou plutôt lui ? À peine rentré, après avoir avalé les chemins chaotiques dans sa vieille deu-deuche qui hoquette, le téléphone sonne à nouveau. Une douleur thoracique intense ! Encore la course. Il découvre un patient relativement jeune en état de choc cardiogénique… Et vlan ! L’électrocardiogramme branché à la hâte se met à bafouiller… Il n’arrive pas à tenir son patient… L’Adrénaline puis la Dopa ne suffisent plus… Le pouls s’efface… Il masse à fond la caisse… Le patient décède… ! Il faut alors assurer la complainte de la famille en larmes. Difficile de réclamer des honoraires s'ils ne les proposent pas… « Reposez-vous, vous passerez demain au cabinet quand vous pourrez ». Exténué, il arrive quand même à dormir, mais dans 4 heures il faut recommencer la consultation. Dur… ! Dur… ! Très vite compris que le métier était très dur. Pas besoin de dessin, et on lui avait bien caché tout ça à la fac ! Et encore, à cette époque il n'y avait pas cette satanée judiciarisation de la médecine aujourd’hui si intense, qui pousse vers une médecine prédictive et qui freine de plus en plus les ardeurs mêmes les plus folles… Hier, même si l'issue était fatale, le médecin était toujours le sauveur qui a tout essayé. Aujourd’hui il devient un justiciable en puissance… Hier c'était la peur de mal faire pour le malade. Aujourd’hui c’est la peur du juge même si on croit avoir bien fait !
Décidé… Il passe le concours de l’internat pour se spécialiser ! Encore une épreuve de plus dans son cursus. Il essaye d’aménager ses horaires tout en travaillant… Il réussit ! Il va enfin pouvoir se réfugier dans la quiétude de sa spécialité chirurgicale. Sa famille est encore plus fière… Contraignante cette spécialité ? Certainement ! Moins dure ? Sûrement !
Il faut sauver le soldat médecin généraliste, le pilier de notre système de santé.
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