Invités à des actions radicales, des médecins témoignent

Publié le 28/02/2010
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• Dr Jean-Louis Blin, généraliste secteur I à Frouard (Meurthe-et-Moselle), 53 ans : « Grève du zèle »

« Que je sois profondément mécontent, c’est évident ! Roselyne Bachelot s’est fichue de nous dans la gestion de crise de la grippe A en nous excluant totalement avant de nous rappeler au dernier moment. C’est n’importe quoi ! Sur les honoraires, on nous fait miroiter des revalorisations depuis 2007… Cela dit, fermer mon cabinet ou coter en CS systématiquement, ça pénaliserait surtout mes patients. La grève de la télétransmission, c’est pareil, ça pèse sur les patients. Il est évident aussi que réclamer une hausse des honoraires en ce moment, avec la crise et autant de chômage, c’est compliqué, même si certains patients l’accepteraient tout à fait. Au-delà des revalorisations, les pouvoirs publics devraient prendre conscience de la masse des taxes et des charges qui pèsent sur nous. Moi je suis pour la grève du zèle et pour le fait de diffuser le message que la politique actuelle du ministre de la Santé n’est pas bonne. »

• Dr P., généraliste secteur I à Crécy-sur-Serre (Aisne), 55 ans : « Ras le bol de tout »

« J’en ai ras-le-bol de tout, des caisses, de la politique qui est menée – la campagne de vaccination a été catastrophique – et même parfois des patients. C’est grave. Exercer la médecine ici, c’est devenu " hard ". Nous sommes écrasés par les impôts et les charges, par les tracasseries en tout genre. Alors la mobilisation, pourquoi pas ? S’il le faut, je suis prêt à fermer mon cabinet, à coter CS mais sans supplément pour mes patients ou encore à arrêter la télétransmission. Il y a quinze ans, j’avais moins de patients mais je vivais mieux. Pourtant, le travail ne nous fait pas peur, à notre génération. Aujourd’hui, les jeunes médecins veulent être quasiment fonctionnaires. »

• Dr Yves Prigent, généraliste secteur I à Quimper (Finistère), 62 ans : « Pourquoi pas ? »

« Je ne suis pas syndiqué, je n’appartiens à aucune chapelle mais j’ai noté sur mon carnet qu’il y a un mouvement de fermeture des cabinets programmé le 11 mars. Y participer, pourquoi pas ? Si le mouvement prend du caractère, ce serait normal que tout le monde soit solidaire, surtout que cette opération part de la région. L’application du CS, je trouve que ce serait normal et légitime mais il faudrait alors qu’on le fasse tous ensemble et que ça devienne un mouvement de fond. La grève de la télétransmission, c’est possible aussi mais on pénalise les patients. Le ras-le-bol, il est général mais en même temps il faut savoir raison garder dans la présentation des choses. »

• Dr Michel Nelken, généraliste secteur I à Meyssac (Corrèze), 44 ans : « pas de colère »

« J’exerce en milieu rural dans un village d’environ 1 000 habitants où il y a quatre médecins généralistes. Le système de gardes fonctionne, avec une régulation libérale, je ne ressens pas de colère car j’ai le sentiment de pouvoir exercer mon métier correctement. Je ne me sens pas mal loti et je me vois mal revendiquer davantage ou entrer dans un conflit en ce moment, vu le climat social. Cela dit, il y a quand même une dégradation des soins liée notamment aux délais de rendez-vous chez certains spécialistes : le gynéco, l’ophtalmo, c’est souvent six mois… On perçoit le vieillissement de la population médicale : à Brives, 40 à 50 médecins généralistes devraient partir dans les années à venir ! Quant à la paperasse, je ne vais pas dire qu’on n’en a pas. Mais c’est supportable. »

 PROPOS RECUEILLIS PAR CYRILLE DUPUIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8718