« Je suis certain qu’on viendra aux mesures contraignantes »

Publié le 17/01/2011
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Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN - Vous jugez l’incitation inefficace pour réguler la répartition des médecins sur le territoire. Comment arrivez-vous à cette conclusion ?

HERVÉ MAUREY - Je ne dis pas que ça ne marche pas, je dis que c’est insuffisant. Naturellement, il faut toujours privilégier les dispositifs incitatifs, mais il faut aussi en prévoir de plus coercitifs. C’est un peu le principe de la carotte et du bâton. Je constate que certains départements ont mis en place des dispositifs incitatifs depuis plusieurs années, avec notamment des systèmes de bourse. Ces politiques ont permis d’améliorer un tout petit peu les choses, mais c’est insuffisant, et il faut, en parallèle de ces dispositifs incitatifs nécessaires, des mesures plus contraignantes. Lors de la discussion sur la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires), j’avais déposé deux amendements. L’un obligeait les jeunes diplômés à aller exercer trois ans dans une zone sous-médicalisée. L’autre s’inspirait du dispositif existant chez les infirmiers et conditionnait le conventionnement des médecins à une installation dans une zone non surdotée. Ces amendements ont été rejetés, mais comme je suis têtu, je les redéposerai lors de la discussion de la loi Fourcade (texte à venir qui devrait amender la loi Bachelot sur les points les plus conflictuels).

Les dispositions contenues dans la loi HPST vous paraissaient donc insuffisantes ?

La seule chose un tantinet contraignante était le contrat santé solidarité (selon lequel les médecins des zones surdotées devaient accepter des vacations dans les secteurs fragiles sous peine de taxe), mais on a mis entre parenthèses son aspect coercitif. De toute façon, ce contrat était insuffisamment contraignant dans la mesure où les médecins pouvaient se dispenser de cette obligation en acquittant une amende d’un montant maximum de 3 000 euros par an.

Au Sénat, vous avez rappelé le virage politique du président Sarkozy d’abord partisan de la coercition en 2007, puis de la concertation et des incitations depuis 2010. La majorité présidentielle pourrait-elle prendre un nouveau virage sur ces questions, dans le sens de la contrainte, ou allez-vous prêcher dans le désert ?

Je suis convaincu qu’on viendra à des mesures de ce type. Je ne sais pas si c’est pour dans 5 ou 10 ans, mais les esprits vont évoluer. Les amendements que j’avais présentés étaient signés par un certain nombre de parlementaires de mon groupe, il y a à gauche pas mal d’élus qui pensent comme moi, et dans la majorité aussi, même si tous n’osent pas le dire. Progressivement, on s’apercevra qu’on n’a pas d’autre solution si on veut éviter des situations encore plus dramatiques que celles qu’on connaît. Attendre presque un an pour avoir rendez-vous avec un spécialiste, ce n’est pas possible.

Une évolution prochaine sur ce dossier semble cependant peu probable

Avant les élections présidentielles, il n’y a aucune chance ! Le Président a entrepris de reconquérir l’électorat des médecins, il est donc certain qu’il conservera jusque-là des positions nuancées et prudentes. Mais 2012, c’est très bientôt, et je pense que les choses évolueront après. Je suis certain qu’on viendra alors aux mesures contraignantes parce qu’il n’y a pas d’autre solution. Je comprends que les médecins aient envie d’aller là où ils jugent qu’il fait bon vivre, mais derrière, il y a des territoires désertés, et des êtres humains avec de vrais problèmes de santé. Quand on est médecin, on doit être mû par l’intérêt général, et ne pas être uniquement sensible au fait d’aller vivre là où il fait beau et où on peut gagner beaucoup d’argent.

 PROPOS RECUEILLIS PAR H.S.R.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8886