LE QUOTIDIEN - Vous réclamez une prise en charge à 100 % par l'assurance-maladie de tous les soins prescrits et la suppression des complémentaires. Est-ce réaliste ?
JEAN LUC MELENCHON - C’est réaliste et nécessaire ! La prise en charge à 100 % permettra de supprimer le reste à charge et d’en finir avec le renoncement aux soins pour raisons financières. Assurer cette prise en charge par l’assurance-maladie exclusivement garantira l’égalité et l’efficience. La dyarchie actuelle assurance-maladie/complémentaires est inégalitaire et coûteuse. Inégalitaire, car les primes versées aux complémentaires sont de moins en moins proportionnelles aux salaires et augmentent dans certains cas avec l’âge. Ce système est aussi très coûteux du fait des frais de gestion des complémentaires qui s’élèvent à sept milliards d'euros par an.
Enfin notre mesure est réaliste. Elle est financée via la transformation en cotisations maladie des primes versées aux complémentaires, la suppression des frais de gestion, la suppression des dépassements d’honoraires et des mesures de régulation des prix sur les produits de santé.
Faut-il supprimer la liberté d'installation des médecins ?
Le développement des déserts médicaux est particulièrement préoccupant et la situation va s’aggraver si nous ne faisons rien. Nous développerons donc massivement les centres de santé pluriprofessionnels, c’est le mode d’exercice plébiscité par les jeunes générations. Il faut aussi travailler sur l’attractivité des territoires en développant les services publics et en relocalisant l’activité pour que les conjoints des professionnels de santé puissent y exercer un emploi.
Nous créerons aussi un corps de médecins fonctionnaires qui bénéficiera de conditions favorables – rémunération des études, mobilité professionnelle plus importante – en contrepartie d’une obligation d’installation de 10 ans. Nous nous réservons la possibilité d’adopter des mesures plus contraignantes (interdiction d’installation dans les zones surdotées ou obligation de délivrer des consultations dans des déserts médicaux situés à proximité du lieu d’exercice) mais nous estimons que ce ne sera pas nécessaire.
Vous proposez d'interdire les dépassements d'honoraires et de développer le tiers payant. Comment convaincre la profession ?
S’agissant des dépassements, les médecins généralistes ne les pratiquent quasiment pas ! Comme nous souhaitons en finir avec le paiement à l’acte, inflationniste et défavorable à la prévention, nous procéderons à une refonte des rémunérations. Ce changement de paradigme permettra aux professionnels de prendre le temps de faire leur travail.
Concernant le tiers payant, l’hostilité des professionnels vient du fait qu’ils font face à plus de 400 complémentaires. Avec le 100 % Sécu, il n’y aura plus qu’un seul interlocuteur ! Par ailleurs le développement du salariat rendra la question du tiers payant beaucoup moins sensible.
La médecine libérale a-t-elle encore un avenir à vos yeux ?
Dépassons ces oppositions entre les modes d’exercice. Ce qui compte, c’est que la médecine ait un avenir. Si la médecine sera effectivement salariée dans les centres de santé – ces derniers pouvant être publics mais aussi privés à but non lucratif avec la possibilité de prendre le statut de société coopérative d’intérêt collectif – nous n’interdirons pas l’exercice libéral. Ce sont les médecins eux-mêmes qui privilégient de plus en plus l’exercice salarié.
Mais pensez-vous que le système actuel du paiement à l'acte soit encore possible*?
Non ce mode de paiement est tout à fait inadapté et le sera encore plus à l’avenir avec l’explosion des maladies chroniques qui nécessiteront de prendre du temps avec le patient.
À l'hôpital, les soignants expriment leur malaise. Que faire pour qu'ils se sentent considérés ?
Le malaise des soignants vient de conditions de travail intolérables, qui sont le fruit des années d’austérité imposées et de règles de gestion des hôpitaux importées de l’entreprise privée. Le sous-effectif chronique crée un épuisement professionnel doublé, du fait du primat donné à la rentabilité sur la qualité des soins, d’une souffrance liée à la difficulté de faire son travail correctement.
Il faut donc recruter massivement, en finir avec le règne de l’hôpital entreprise, sortir du financement assis à 100 % sur la T2A et revoir toute l’organisation de notre système de soins afin de décharger l’hôpital de tâches qui relèvent d’autres acteurs de soin. Enfin, il nous fait mieux rémunérer les professionnels, c’est ce que nous proposons via la revalorisation du point d’indice.
*Question posée par les lecteurs du « Quotidien »
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