LE QUOTIDIEN : La nouvelle convention prévoit quatre contrats pour améliorer la répartition des praticiens sur le territoire. Forment-ils un ensemble cohérent ?
JULIEN MOUSQUES : Il existe différents leviers pour agir sur la répartition des médecins : la régulation à l’installation, les organisations de soins ou encore les incitations financières. Il n’y a pas de réel consensus sur l’impact de chacun d’entre eux. Selon la littérature internationale, l’incitation financière seule n'a pas un impact sur l’amélioration de la répartition géographique.
De votre point de vue, cet aspect financier n'est donc pas déterminant ?
Les études disponibles dans la plupart des pays laissent penser que la rémunération n’est pas l’élément clé. Dès lors qu’on atteint un certain seuil de revenus, les incitations financières jouent moins. Si l'on donne 50 000 euros à un médecin sur deux ans, cela sera sans doute moins incitatif que si on les donne à un infirmier.
On peut s’interroger sur le fait que l’incitation financière ait été principalement choisie, et sur ce qui a conduit à déterminer ces montants. Cela dit, au regard des informations dont je dispose, cette prime à l’installation de 50 000 euros représente un montant extrêmement important. Il est presque deux fois plus élevé que tout ce qui a été proposé dans d’autres pays.
Les aides à l’installation ont-elles des limites ?
Elles peuvent produire un effet mais très souvent à court terme. Le professionnel va venir sur la période minimale prévue par la convention pour bénéficier de l’aide, et ne pas rester au-delà. L’autre limite, c’est l’effet d’aubaine : le professionnel serait venu même sans cette aide, et profite de cette compensation financière. C’est très difficile à quantifier.
La convention met clairement l’accent sur l’incitatif. À votre connaissance, des pays ont-ils imposé avec succès une forme de régulation à l’installation ?
Avec succès, oui, mais pas immédiatement. Il faut évaluer le coût politique et s'il est acceptable d’un point de vue éthique. Les pays qui ont fait ça, le Canada, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande par exemple, ont lié l’attribution d’une autorisation d’exercice pour un médecin à diplôme étranger, à une implantation dans un lieu déterminé. Cette politique est efficace mais on peut discuter de sa pertinence d’un point de vue éthique. Sinon, des tentatives de conventionnement sélectif ont eu lieu en Allemagne, avec des résultats relativement modestes.
Peut-on imaginer une forme de régulation au moment des études ?
Une mesure emblématique a été mise en place dans de nombreux pays anglo-saxons qui consiste à sélectionner les étudiants en fonction de leur origine sociodémographique. L’impact de cette mesure est assez fort. Quelqu’un originaire du monde rural aura sensiblement plus tendance qu’un citadin à aller s’installer en zone rurale. Ce type de sélection n’est pas dans la culture française. En revanche, la France a évolué sur d’autres points. Elle se mobilise beaucoup plus qu’auparavant sur les conditions d’exercice. Notre pays mise aujourd'hui sur une politique qui favorise le regroupement, avec l’idée que cela favorise l’installation dans les zones problématiques.
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