Cent recommandations pour le libéral

La CSMF et le SML dessinent leur médecine de demain

Publié le 01/10/2010
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LE TIMING n’a pas été laissé au hasard. Alors que les médecins ont terminé de voter aux élections professionnelles pour des listes syndicales bien séparées, les deux principales centrales signataires de la convention de 2005 accordent leurs violons pour refonder le métier autour d’une vision commune de l’exercice. En présentant 100 recommandations pour « l’avenir libéral de la médecine », les deux syndicats, souvent taxés de conservatisme, envoientun signal : la profession est prête à s’engager sur des évolutions (organisation, rémunération) sous réserve qu’on l’écoute. Il s’agit aussi d’une réponse à la très décriée mission « Legmann » (du nom du président de l’Ordre) qui avait proposé en avril un « nouveau modèle de la médecine libérale », à la demande de Nicolas Sarkozy. Rapport aussitôt enterré, le président de la République ayant confié une nouvelle mission à Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité…

• Un exercice libéral clairement défini

Les deux syndicats posent les fondamentaux : qualifications professionnelles, responsabilité personnelle, indépendance financière et dimension éthique du métier. La distinction avec le « salariat » est établie. La solvabilisation des patients impose des engagements contractuels collectifs.

Très cher au SML, le concept d’entreprise médicale libérale est promu. En découlent un statut juridique, déontologique et fiscal, un nouveau cadre de rémunération adapté à « la prise en charge coordonnée plurisdiscipinaire » et des mesures de pérennisation de l’entreprise médicale.

• Formation médicale initiale : moins d’hôpital !

Comme l’ont suggéré d’autres rapports, l’idée est de mieux intégrer l’exercice libéral dans le cursus initial trop « hospitalo-centré » : modules spécifiques, stage de découverte de l’exercice libéral dès le deuxième cycle, valorisation des enseignants libéraux, internat en cabinet, encouragement à l’exercice mixte hospitalo-libéral.

• FMC et évaluation : la profession aux manettes

Les deux syndicats suggèrent une reprise en main du dispositif par la profession. Ils proposent d’organiser un « séminaire fermé » (ministère/caisses/syndicats) avant la fin de l’année. Plusieurs idées sont avancées : appel au financement complémentaire d’assureurs du risque professionnel, promotion de la téléformation, accréditation périodique.

• Des réponses à la judiciarisation

Face à l’augmentation des recours, plusieurs pistes sont tracées : messagerie professionnelle sécurisée, relèvement du plafond de garantie (3 à 10 millions d’euros), couverture des médecins au-delà des 10 ans d’arrêt d’activité, interdiction de l’action récursive de l’ONIAM contre le médecin au-delà de ce délai, révision de la loi Kouchner (création d’un système assurantiel mutualisé), nouvelle procédure amiable.

• Exercice plus collectif

Le modèle prédominant du médecin isolé est révolu (lire aussi page 2). Même si la CSMF et le SML estiment qu’il ne faut surtout pas casser l’existant, il convient de favoriser les pratiques en réseau ou en groupe. Cela suppose un dossier médical professionnel, des projets de maisons de santé pluridisciplinaires pilotés par les professionnels eux-mêmes (de préférence dans les zones déficitaires), le développement de pôles libéraux et la reconnaissance financière du travail de coopération interpro (coordination, administratif…).

• Rémunération : l’aggiornamento nécessaire

La mue s’opère. Si le paiement à l’acte reste prépondérant (avec « forte réévaluation des tarifs »), certaines missions échappent à ce schéma : prévention, astreintes, PDS, tâches administratives… Les syndicats réclament la réforme des consultations, fonction de la durée et de la complexité de l’acte, l’atteinte de la valeur cible des actes techniques et la prise en compte du coût de la pratique. Enfin, ils exigent le secteur optionnel « pour tous ». Autre credo : le paiement à la performance mais « dans le cadre conventionnel ».

• Couverture sociale : apurer le passif de l’ASV

Plusieurs avancées sont réclamées : couverture prévoyance obligatoire aidée par l’État ; hausse de la cotisation retraite complémentaire de 9,2 à 11 % pendant cinq ans ; cotisation transitoire d’ajustement de 2 % du revenu (financé aux deux tiers par les caisses) pour apurer le passif de l’ASV (allocation supplémentaire vieillesse) ; cumul emploi retraite. Pour les femmes médecin libéral, la commission demande des prestations maternité « identiques » à celle du régime général.

• Installation : contrats volontaires dans les déserts

Sans surprise, toute coercition est écartée. Le tandem CSMF/SML défend l’idée d’un « contrat volontaire dans les zones sous-dotées », transitoire, sous forme de cabinet secondaire (payé par les communautés de communes). Le contrat santé solidarité sous peine de taxe est rejeté de même que les signalements d’absences.

• Gagner du temps médical

Plusieurs mesures visent à libérer du temps médical : financement via un forfait structure de personnel qualifié – secrétariat administratif – dans les maisons de santé, informatisation du cabinet médical, rémunération incitative de la dématérialisation…

• Pénalités, sanctions : respecter les droits de la défense

Les syndicats réclament un environnement juridique « équitable » pour l’exercice médical : appel suspensif, voie pénale réservée aux comportements les plus graves, réforme du dispositif des pénalités, refus du délit fondé sur des considérations statistiques.

 CYRILLE DUPUIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8827