C’est de la science-fiction mais à très courte échéance. Dans « La médecine sans médecin ? », le Pr Guy Vallancien enfile une nouvelle fois ses habits de fonceur provocateur pour faire bouger les lignes. L’urologue touche à tout, académicien – de médecine et de chirurgie –, fondateur de l’École européenne de chirurgie, initiateur de la convention CHAM**, héraut en son temps de l’hôpital-entreprise… sonne le tocsin.
Sa thèse ? La médecine est morte, vive la médecine ! Les médecins d’aujourd’hui suivent au tombeau la dépouille de la science de papa ; ceux qui les remplaceront n’en seront que de lointains cousins. La mutation, selon les termes du Pr Vallancien, est « colossale » et inéluctable ; elle s’opère sous la poussée conjuguée de l’informatique, des sciences cognitives, de la biologie, de l’imagerie médicale, de la robotique et de la génomique. Mieux vaut accompagner cet avènement de ce qu’il baptise la « média-médecine » que le subir. Ou, plus malin encore : autant en profiter pour dessiner un nouveau métier de médecin, « dégagé des contingences matérielles qui le noient », « libéré des actes techniques et administratifs » – au prix, l’auteur l’admet, d’une « perte de ses repères traditionnels » qui peut sembler « terrifiante ».
Valeur ajoutée
Fini le « médecin à tout faire ». Place à un médecin « rare », dont la valeur ajoutée n’a rien à voir avec sa maîtrise technique mais tient, estime Guy Vallancien, à sa capacité à « déroger aux normes et aux guides de bonnes pratiques afin d’offrir, dans certaines conditions, à la personne qui souffre, les soins appropriés à son être et non pas seulement à ses organes défaillants ». Utile quand il transgresse, le médecin prend acte des énormes bouleversements technologiques passés, en cours ou à venir, il délègue une partie de ses tâches aux machines – « médecins de synthèse » –, une autre partie à des assistants médicaux et ingénieurs opérateurs, pourvus de « qualifications nécessaires hautement spécifiques pour effectuer des tâches précises en toute responsabilité ».
Ce décor étant planté, le Pr Vallancien tire un nombre incalculable de fils. La formation médicale ? À revoir de fond en comble ? Le statut des médecins ? Idem – un « cadre juridique simple d’"entrepreneur en santé" » est imaginé en ville pour les médecins, les pharmaciens, les infirmiers… La rémunération ? Il faut tout réinventer et admettre au passage que « pour la consultation du médecin traitant, le doublement du tarif actuel est possible et souhaitable ». Il faut aussi « dépénaliser l’erreur médicale » et « démédicaliser la mort » qui n’est pas, pour Guy Vallancien, l’affaire des médecins. Il faut ouvrir toutes les données de santé et « libérer l’hôpital » – en le dégraissant un petit peu… Le programme est monstrueux et le temps compté si l’on ne veut pas faire du médecin un « futur chômeur pointant à Pôle emploi après douze ans d’étude » ou le transformer en « employé de surveillance d’un ordinateur qui (lui) dictera quoi faire ».
** Convention on Health Analysis and Management
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