Six mois de prison ferme pour l'agresseur d'une généraliste de la Vienne

La profession salue la rapide décision exemplaire

Par
Publié le 03/11/2016
Article réservé aux abonnés

72 heures après avoir frappé au visage le Dr Corinne Joyeux, généraliste à Châtellerault, un agresseur a été condamné lundi à six mois de prison ferme avec mandat de dépôt par le tribunal correctionnel de Poitiers.

Trois jours plus tôt, en fin de journée, cet homme et sa compagne arrivent avec leur nourrisson de cinq mois à la maison médicale de Châtellerault. Leur rendez-vous est passé depuis une heure mais la mère souhaite que son enfant soit examiné immédiatement. On lui explique qu'elle doit patienter en salle d'attente.

Le ton monte. Le père de famille, à l'extérieur en train de fumer, rentre dans le cabinet et décoche une violente gifle au Dr Joyeux. La tête de la généraliste heurte le coin de la borne d'accueil et elle perd connaissance.

Le Dr Joyeux est transportée à l'hôpital de Châtellerault, — dont elle est depuis sortie. Un traumatisme crânien avec hématome est constaté. Une plainte est déposée et l'homme, tristement connu de la justice avec cinq mentions au casier judiciaire, est interpellé durant le week-end. Jugé en comparution immédiate lundi, il a donc été condamné à six mois de prison ferme et a été incarcéré dès le jugement rendu.

L'Ordre, qui s'est porté partie civile, avait réclamé une décision rapide. Selon le Dr Franck Duclos, président de l'Ordre de la Vienne qui a assisté à l'audience, la peine infligée est « satisfaisante » : « Comme l'a énoncé la procureure, les cabinets médicaux doivent rester des sanctuaires face à la violence. »

La comparution immédiate, une procédure rare

Contacté par « le Quotidien », le Dr Patrick Bouet, président de l'Ordre national des médecins a salué une « décision exemplaire ». « Après le CH de Tourcoing il y a deux semaines, Châtellerault… Il y en a assez de ces agressions, nous a-t-il confiés après l'annonce du verdict. Cette condamnation répond à notre exigence. Nous nous battons depuis plusieurs années pour que soit reconnue la gravité des agressions contre les médecins. »

Cette décision est d'autant plus symbolique qu'elle intervient après une comparution immédiate, « ce qui est très rare », observe le Dr Hervé Boissin, coordonnateur de l'Observatoire sur la violence des médecins. « Très peu de plaintes de praticiens sont suivies par la justice, ajoute-t-il. Nous espérons que cette peine sera dissuasive, il est temps que les auteurs de violence soient condamnés et que cela se sache ! »

Selon l'observatoire, les médecins ont déclaré 924 incidents (insultes, menaces, agressions physiques, vols…) en 2015.

Ce verdict était attendu par la profession. « Les généralistes sont souvent le dernier rempart social. Cette agression est inadmissible, la décision peut paraître sévère mais les médecins doivent être protégés », commente le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF.

Sous le choc, les confrères de la généraliste ont fermé la maison médicale jusqu'à ce mercredi matin. Une journée « Santé morte » est programmée le mardi 22 novembre dans le département, afin de dénoncer la montée de la violence, a annoncé le Dr Philippe Boutin (CSMF), vice-président de l'URPS Nouvelle Aquitaine.

Contacté, le ministère de la Santé n'a pas répondu à nos sollicitations.

Marie Foult et Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9531