Réduire les inégalités d’accès à l’expertise médicale : tel est le credo de Pauline d’Orgeval, cofondatrice de deuxièmeavis.fr, que « le Quotidien » a rencontrée après la controverse déclenchée par ce site lancé fin 2015, véritable pavé dans la mare médicale.
À l’origine du concept, les difficultés d’accès rapide à des médecins experts après un premier diagnostic. « Le site a un rôle d’éclairage et de réassurance, nous ne sommes pas la solution, mais l’une des solutions pour avoir un second avis dans des cas précis », argumente cette entrepreneuse diplômée d’HEC. « Demander un second avis n’est pas un réflexe. Le site pourrait aussi avoir un rôle d’éducation », poursuit-elle.
La plateforme a été validée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Un contrat de télémédecine a été signé avec l’ARS Ile-de-France sur le fondement de la téléexpertise, uniquement, lorsque c’est un médecin qui est à l’origine de la demande d’avis. Dans le cas contraire, on entre dans le champ du « téléconseil personnalisé ». « Le sujet est complexe », reconnaît Pauline d’Orgeval, et les questions des médecins sur les aspects financiers et déontologiques, « légitimes ».
Un modèle économique fondé sur les complémentaires
Les fondatrices du site l’assurent, elles ne veulent pas « d’une médecine à deux vitesses ». Mais 295 euros pour un avis médical, même complet et pointu, ça coince. Sur ce montant, le médecin expert est rémunéré 120 euros, le reste permet de financer l’organisation et les frais du service, la sécurisation des données, l’identification des praticiens... « On réfléchit pour que le prix ne soit pas un frein », poursuit Pauline d’Orgeval.
Sur le site, un astérisque relatif au coût invite même les patients à contacter l’équipe si les frais du service sont trop élevés. Des médecins experts seraient prêts à rendre leur avis « gracieusement », assure Pauline d’Orgeval. Mais le modèle économique repose sur la solvabilisation du service par les mutuelles ou les assureurs. « À terme, tout ou partie de la somme sera prise en charge par les complémentaires santé », confirme-t-elle. Une branche professionnelle aurait déjà accepté de s’engager. Et les fondatrices annoncent un contrat avec une mutuelle (couvrant 400 000 adhérents).
Une centaine de praticiens experts répertoriés
La pluie de critiques médicales courant décembre (lire ci-dessous), relayée sur les réseaux sociaux, n’a pas découragé Pauline d’Orgeval et ses collaboratrices. Dans la foulée de la polémique naissante, une soixantaine de médecins spécialistes ont apporté leur soutien et soumis une candidature spontanée. Ils s’ajoutent à la centaine de médecins libéraux ou hospitaliers déjà répertoriés sur deuxièmeavis.fr, sélectionnés sur des critères arrêtés par un conseil scientifique.
« Ce service a été conçu pour répondre à une inégalité sanitaire que connaissent les personnes ayant eu un handicap et qui se déplacent difficilement, les personnes éloignées comme les expatriés, les personnes isolées, fragiles tout en respectant leurs parcours de soins », argumente le Pr Laurent Degos, cancérologue et membre du comité scientifique du site. L’ancien président de la HAS reste prudent. « Il serait préférable d’attendre six mois ou un an pour évaluer l’intérêt médical et social », explique-t-il.
100 comptes créés, seulement trois avis
Depuis l’ouverture de la plateforme, une centaine de comptes « patients » ont été créés. En s’inscrivant, les malades peuvent dans un premier temps consulter les fiches résumant les compétences de chaque médecin expert. S’ils souhaitent avoir un second avis en bonne et due forme, ils doivent remplir un questionnaire et transmettre leur dossier médical numérisé complet. Le paiement intervient à la réception de l’ensemble des pièces, le service est sécurisé.
Le second avis est émis dans les sept jours. « Nous incitons le patient à prévenir son équipe médicale locale et à transmettre leurs coordonnées si les avis diffèrent », précise Pauline d’Orgeval. Pour l’instant, seules trois demandes émises par des patients ont abouti. À 295 euros, le point d’équilibre financier sera atteint à 10 000 avis rendus par an.
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