Élu le 5 juin à la tête du syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF, hospitaliers et libéraux), pour un mandat de trois ans, le Dr Bertrand de Rochambeau confie au « Quotidien » les craintes que lui inspire le projet de loi de santé.
LE QUOTIDIEN : Quel regard portez-vous sur le projet de loi de santé, en discussion au Sénat à la rentrée ?
DR BERTRAND DE ROCHAMBEAU : Cette loi est une de nos plus fortes préoccupations. Elle ne convient à aucun gynécologue obstétricien, ni libéral, ni hospitalier !
Non seulement la loi exclut les cliniques du service public hospitalier, mais elle conditionne également l’activité libérale à l’hôpital aux règles de la convention médicale,(sanctions en cas de pratiques tarifaires abusives, contrat d’accès aux soins pour les volontaires, NDLR).
Je rappelle que 80 % des accouchements ont lieu à l’hôpital. Beaucoup de gynécologues obstétriciens y pratiquent une activité libérale. Cette mesure n’est rien d’autre qu’un nœud coulant qui se resserre avec le temps autour de leur cou.
Nous avons donc déposé une série d’amendements auprès des parlementaires pour revenir sur ces incohérences.
La place des médecins dans les groupements hospitaliers de territoires (GHT) et la suppression du deuxième collège représentatif des spécialités de bloc aux unions régionales (URPS) dans cinq ans nous alertent tout autant.
Partagez-vous l’inquiétude de la plupart des médecins sur la généralisation du tiers payant que le Sénat a supprimé mais qui devrait être réintroduite ?
Cette mesure constitue un grand danger ! D’une part, les patients ne sauront plus qui paye quoi. D’autre part, le tiers payant ouvre la voie à la création de réseaux de soins en gynécologie-obstétrique. Je m’explique : en ville, la part des honoraires dans notre spécialité couverte par l’assurance-maladie représente moins de 50 % de la somme totale. Les complémentaires santé sont déjà à la manœuvre. Elles vont prendre de plus en plus d’importance. Sans transparence sur les flux de remboursements, elles vont être en mesure de pratiquer des remboursements différenciés, d’orienter leurs adhérents vers tel médecin plutôt que tel autre. Nous sommes très inquiets.
Les sages-femmes sont sur le point d’entrer dans la classification commune des actes médicaux (CCAM). Qu’en pensez-vous ?
Il s’agit d’une dérive sur laquelle nous émettons des réserves très fortes. La raison en est simple : il y a dans la CCAM des actes qui ne relèvent pas de la compétence des sages-femmes. Je parle de l’accouchement par le siège, de l’ablation de stérilet par matériel de préhension intra-utérin ou du monitorage échographique de l’ovulation, entre autres. Ces actes relèvent de la responsabilité du médecin. Nous ne sommes plus du tout dans le physiologique.
La profession n’accepte pas plus que les sages-femmes, diplômées d’un bac + 5, perçoivent les mêmes montants que les médecins, forts de dix ans d’études mais délestés, eux, de 20 000 à 40 000 euros par an pour des questions d’assurance. Cherchez le hiatus !
La responsabilité civile professionnelle en perpétuelle augmentation vous préoccupe-t-elle ?
Le SYNGOF défend en ce moment une dizaine de confrères qui risquent la ruine personnelle à cause d’affaires qui se sont passées entre 2002 et 2012. Des enfants sont nés handicapés. Aujourd’hui, les juges accordent des dommages jusqu’à dix millions d’euros aux familles. Nous avons obtenu depuis 2012 la création d’un fonds de dédommagement, alimenté par cotisations, qui aide les médecins à faire face aux trous de garantie. Mais avant 2012, il n’y a rien. On espère changer la donne en amendant la loi de santé ou dans le prochain budget de la Sécurité sociale.
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