100 km à vélo à la rencontre des patients, médecins et élus

Les leçons douces-amères d’une escapade dans les déserts médicaux

Publié le 16/10/2014
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C’est un regard neuf que pose aujourd’hui le Dr Danielle Paul-Duveaux, 63 ans, sur la situation sanitaire des départements du Nord, de l’Aisne et des Ardennes. Un regard teinté de tristesse, de colère aussi, mais résolument tourné vers l’avenir. Partie de Maubeuge le 1er octobre au lendemain de son « déplaquage » (Quotidien du 29 septembre), la jeune retraitée de médecine générale a achevé son périple symbolique à vélo à Charleville-Mézières, au terme d’une centaine de kilomètres, en partie accompagnée du « Quotidien » (récit sur lequotidiendumedecin.fr).

Riche de dizaines de rencontres avec les patients, élus et médecins des diverses communes traversées à la force du mollet, le Dr Paul-Duveaux entend témoigner de la pénurie médicale vérifiée sur place, apportant du relief aux chiffres de l’Ordre des médecins. À la pointe nord des Ardennes par exemple, le nombre de généralistes a baissé de 31,3 % en sept ans. « Les gens sont catastrophés, relate le Dr Paul-Duveaux, Pour se soigner, ils franchissent la frontière belge. Les médecins qui restent, vieillissants, n’en finissent plus de travailler, pour certains de 7 heures à 22 heures. »

À Bogny-sur-Meuse, 5 500 habitants, cinq médecins exerçaient il y a peu de temps. « Deux sont partis en retraite, un autre a repris le travail très vite après une opération cardiaque, un fermera son cabinet dans les prochains mois. Que se passera-t-il dans un an ? », interroge le Dr Paul-Duveaux. En construction, la maison de santé pluridisciplinaire sera sans doute sortie de terre. Deux kinés libéraux portent le projet. À Signy-le-Petit, autre étape ardennaise de la généraliste, c’est le pharmacien qui est à l’initiative. Des faits révélateurs du manque de médecins. Même pour sa propre succession, elle n’a reçu que quelques coups de fil, dont celui d’un médecin algérien. Puis plus rien.

La bonne parole dans les facs

La généraliste ne compte pas en rester là. Son périple lui a permis d’établir un constat, qu’elle met désormais en mots. Son credo, piqué à un confrère : des élus « cérébrés », des médecins « motivés » et des maîtres de stage « formés » sont indispensables pour endiguer la désertification médicale. Elle souhaite se rendre dans les facultés de Lille et de Reims pour discuter avec les futurs médecins. Faut-il faire pousser les maisons de santé comme des champignons ? Être nécessairement « du coin » pour s’installer ? « On ne donne pas assez la parole aux jeunes, conclut le généraliste. J’espère qu’avec moi, ils voudront bien la prendre. »

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du Médecin: 9357