LES DRS LÉON STENE et Jean-Claude Bardy sont généralistes à Bondy, en Seine Saint-Denis. Ni l’un ni l’autre ne se plaint d’une invasion du voile dans sa consultation. « Je n’ai dans ma patientèle qu’une seule femme voilée, raconte le premier, et d’un voile discret. Je l’ai connue toute petite et si je dois écarter son voile pour lui examiner les oreilles, il n’y a aucun problème. Si une femme voilée intégralement se présentait à mon cabinet, je la prendrais bien sûr. Mais honnêtement, je préfère qu’elles ne viennent pas. Cela me glace de voir ces femmes en noir, ça me donne la chair de poule. De toute façon, je crois que, concernant la gynécologie, elles s’adressent directement à un spécialiste. » Le Dr Bardy est encore plus clair : « Je n’ai rien à dire, les 2-3 patientes qui viennent voilées se déshabillent sans problème, y compris pour les examens gynécologiques. Leur voile n’est qu’un apparat extérieur. »
Le Dr Yves Pus, lui aussi généraliste, mais en pleine campagne dans l’Essonne, ne se souvient que de deux patientes voilées, qui gardent leur visage découvert. « Je n’ai absolument aucun problème avec elles », insiste-t-il. Et, même s’il n’a quasiment pas l’occasion de se confronter au voile islamique dans sa région, il se déclare « archi-contre » le projet de législation, qui empiète selon lui sur la sphère privée. « D’autant que l’on prétend légiférer au nom des droits de la femme, mais je redoute les effets pervers d’une telle mesure. Que vont devenir ces femmes ? Rester cloîtrées chez elles ? Cela me choque beaucoup. Je pense que si l’on veut lutter contre l’obscurantisme, il faut agir d’une autre manière, notamment en favorisant l’accès à l’école, à la culture. ».
« Il nous arrive de tomber sur un cas qui nous agace », reconnaît un médecin de la clinique mutualiste de Vaulx-en-Velin, dans le Rhône. Par exemple, une femme qui refuse d’être soignée par un homme. « Nous réagissons professionnellement en lui expliquant son libre choix et en cherchant d’abord une collègue médecin ou bien une sage-femme. Mais si personne n’est disponible, nous tentons de les (elle et son mari) raisonner. ». Et le fait que ce médecin, qui a préféré s’exprimer de façon anonyme, soit un homme d’origine maghrébine ne change rien.
Une loi pour la laïcité des employés.
Le Dr Dominique Gay est généraliste à Rouen, et dans une autre vie, il participe au mouvement Riposte laïque. Mais son engagement militant n’est pas le fruit de son expérience professionnelle. « Je n’ai que deux ou trois patientes voilées, souvent de vieilles femmes maghrébines. Et il n’y a pas de vrai problème pour les examiner, constate-t-il . Parfois, il faut tout de même négocier le moindre centimètre carré de peau à voir sous le vêtement traditionnel. En revanche, si un mari refusait que j’ausculte sa femme, et bien je lui dirais simplement que ça s’arrête là. Mais je crois que dans la bulle médicale, les gens font preuve de bon sens. Si une femme venait entièrement voilée et refusait que je la voie, ce serait de la pure provocation politique. Ce qui m’inquiète davantage, c’est de croiser de plus en plus de ces femmes au supermarché le samedi après-midi, ainsi que des jeunes filles en abaya (longe robe noire qui couvre tout le corps sauf le visage, les pieds et les mains) ».
La question s’est en revanche posée au Dr Gay en tant que médecin employeur, qui tient absolument au respect de la laïcité au sein de son cabinet. « J’ai eu une secrétaire musulmane. J’avoue ne pas m’en être rendu compte du tout, elle était blonde et portait un prénom international. J’ai fini pourtant par le savoir et le jour où elle a mis un turban sur sa tête, je lui ai demandé de le retirer. Elle l’a fait sans broncher ». Les candidatures sauvages qui arrivent à son cabinet sont d’ailleurs traitées de la même façon lorsque les CV ont des fautes d’orthographe et lorsque les photos montrent des piercings, des cheveux bleus ou un voile islamique, ce qui est arrivé deux ou trois fois.
Il a également employé une femme, musulmane, qui « battait des records d’absentéisme ».« Heureusement, nous l’avions engagée sous un contrat qui nous permettait de la remercier. Mais je me suis posé la question : qu’arriverait-il si j’engage une femme qui, au bout de quelques mois de travail dans mon cabinet, décide de porter le voile ? C’est pourquoi je milite également pour une loi imposant la laïcité chez les employés des cabinets médicaux. ».
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