ILS SONT - ou plutôt « elles » sont, puisqu’il s’agit de femmes dans 98 % des cas - autour de 2 000 (1) mais peinent à exister aux yeux des pouvoirs publics. « Les médecins scolaires sont très invisibles », regrette le Dr Agnès Ducros, secrétaire générale adjointe du SNMSU (Syndicat national des médecins scolaires et universitaires, majoritaire au sein de la profession).
Il faut dire qu’ils doivent ces temps-ci surmonter un double handicap : le régime sec auquel est soumise toute la fonction publique dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) ; la démographie médicale en berne. En période de basses eaux, comment continuer à recruter quand on est statutairement peu attractif ? Certainement pas en restant les bras ballants, répond le SNMSU qui met le doigt sur le paradoxe de la médecine scolaire : elle n’attire pas alors qu’elle passionne ceux qui s’y adonnent. « Le métier plaît énormément, explique le Dr Ducros. Il est extraordinairement varié. Nos patients vont des petits aux ados. On fait à la fois de la pédiatrie, de la santé publique, de la médecine du travail, on travaille en équipe, notre liberté d’exercice est très grande ! ». Également secrétaire générale adjointe du SNMSU, le Dr Marie-Hélène Lepinette-Botrel précise : « La médecine scolaire a considérablement changé. Après guerre, elle relevait avant tout de l’hygiène - on traquait la tuberculose, le rachitisme… Elle est devenue une médecine globale, avec une dimension sociale, psychologique. Mais les mentalités, les représentations n’ont pas suivi l’évolution de la profession. » Pour les adultes d’aujourd’hui - y compris les ministres -, le médecin scolaire reste celui qui vaccine une file d’écoliers en blouses grises.
L’Université et l’Ordre à la rescousse.
Aux services de Xavier Darcos qu’elles ont rencontrés il y a quelqeus jours, les Drs Lepinette-Botrel et Ducros ont dit une fois de plus qu’il fallait « revaloriser la profession » si on voulait continuer à recruter des médecins scolaires. « Ceci passe par le salaire, bien sûr, fait valoir Agnès Ducros [entre 1 732 et 3 752 euros bruts, ce qui fait des médecins scolaires les médecins salariés les moins payés de France, NDLR] mais aussi par une reconnaissance universitaire. Car l’Université ne parle pas de santé scolaire, elle ne la présente pas comme un possible choix d’exercice comme elle le fait pour la médecine du travail ou la PMI. Le conseil de l’Ordre, qui nous fait payer nos cotisations, doit lui aussi un peu mieux parler de nous. »
Alors que la médecine générale est en train de gagner ses galons de spécialité, les médecins scolaires, exclus du dispositif, s’inquiètent par ailleurs d’en subir des effets collatéraux en termes de considération. « Cela pourrait occasionner pour nous une sorte de sous-qualification supplémentaire », estime le Dr Ducros.
Acquis au principe de réalité, le SNMSU souhaiterait également que, dans un but de réorganisation de l’exercice de la médecine scolaire, la législation soit revue. En particulier, le syndicat voudrait que saute le caractère obligatoire du bilan de santé à six ans. « Il faut modifier ce texte que nous ne pouvons pas appliquer. Quand on fait ce bilan, c’est au détriment des autres élèves (et notamment des ados), au détriment de toutes nos missions éducatives et de prévention, au détriment de l’accueil des enfants handicapés », analyse Agnès Ducros. Marie-Hélène Lepinette-Botrel renchérit : « Ce n’est pas dur de faire du systématique mais quel est l’intérêt si ce n’est pas suivi d’effet ? »« Imaginons, poursuit sa consur, que l’on détecte un trouble du langage. En attendant que l’intervention d’une orthophoniste produise ses effets, nous devons travailler avec l’enseignant, lui expliquer que s’il donne des consignes trop complexes à l’enfant, celui-ci ne les comprendra pas, qu’il faut dont morceler les instructions… »
Il y a un an, le ministère de l’Éducation a promis une mission parlementaire sur la médecine scolaire ; l’été dernier, lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le gouvernement a également annoncé la constitution d’un groupe de travail sur les articulations entre médecine de ville et médecine scolaire.
Les médecins scolaires attendent toujours.
(1) Soit un praticien pour 10 000 élèves en moyenne. Le ministère de l’Éducation nationale recense précisément 1 568 médecins titulaires, dont beaucoup sont à temps partiel. Les effectifs des vacataires (autour de 360 équivalents temps plein) sont moins précisément connus.
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