LE QUOTIDIEN : Quel regard porte l'Ordre sur les agences de recrutement ?
Dr PATRICK BOUET : Nous portons un jugement sévère sur leur activité. Les agences de recrutement échappent à tout contrôle des pouvoirs publics et exercent en dehors de tout cadre réglementaire. C'est une situation très dommageable car souvent, l’Ordre est obligé de bloquer l’inscription au tableau des médecins recrutés par ces agences, que ce soit pour insuffisance professionnelle ou pour défaut de maîtrise du français. Les maires des communes sont parfois les victimes de ces recrutements, car les praticiens recrutés ne restent pas, ou pas longtemps.
Jusqu’où pouvez-vous aller pour contrôler cette compétence ?
Tout d’abord, nous vérifions la légalité des diplômes et de la capacité de ces professionnels à circuler librement dans l’Union européenne. L'Ordre a aussi la responsabilité de s'assurer de leur compétence. Dès lors que nous avons un doute à ce sujet, nous déclenchons une procédure d’expertise dans le cadre de l’insuffisance professionnelle. Si bien que certains maires nous reprochent de faire obstruction à ces recrutements.
De quels pays sont majoritairement originaires ces praticiens ?
Selon nos informations, les flux de circulation à l’intérieur de l’Europe se balancent entre l’Europe de l’Est (Roumanie, Bulgarie..., NDLR) et les pays du pourtour méditerranéen (Espagne, Italie, Portugal, Grèce, NDLR).
Si ces médecins restent le plus souvent en France, ils s'installent généralement assez peu sur les lieux de leurs premières implantations.
Cela vient notamment de la façon dont ces professionnels ont été recrutés. La réalité de leur exercice quotidien en France ne correspond pas toujours à ce qui leur a été promis, et n’est pas à la hauteur de leurs espoirs.
On leur ment ?
On leur fait miroiter monts et merveilles, et qu’ils vont être aidés matériellement dans leur installation avec la mise à disposition d'un cabinet gratuit voire d'un logement. Or, ce n’est pas le cas, et ça ne se passe pas forcément bien. De plus, les praticiens à diplôme étranger ont les mêmes aspirations que les médecins français. Comme eux, ils ont des familles, ils exercent dans des lieux qui ne correspondent pas toujours à leur projet de vie, et donc ils cherchent mieux. Ils quittent leur premier lieu d'installation et vont voir ailleurs, ils quittent éventuellement la suivante jusqu’à trouver le bon endroit.
Ces agences ne privent-elles pas les pays d'origine, souvent moins riches que le nôtre, de leurs médecins ?
On ne peut pas répondre à l'imprévoyance de nos gouvernants en matière de démographie médicale en allant chercher des médecins dans d’autres pays. Il est important de ne pas les dépeupler de leurs professionnels. Il est tout aussi important de ne pas les inciter à former des médecins à tout prix, au risque de grever la qualité de la formation, qui est souvent de très bon niveau dans l’espace européen. La libre circulation y est la règle, mais ce n’est pas pour autant que des pays doivent produire des médecins pour aller essaimer ailleurs.
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique