LES GRANDES MANUVRES pour conjurer la réquisition (« le Quotidien » du 5 octobre) n’ont pas abouti. La dynamique de la vaccination, saluée la semaine dernière par Roselyne Bachelot, a eu raison des promesses officielles. Bien que « dernière des dernières des solutions envisagées », selon la formule du Pr Didier Houssin, la réquisition des libéraux, limitée jusqu’à présent au seul département du Calvados, pourrait se propager dans les prochains jours à plusieurs DDASS. Selon l’enquête effectuée par « le Quotidien », c’est le département des Hauts-de-Seine qui va suivre. « Le compte est vite fait, explique un médecin de l’organisme, responsable du dispositif antipandémie 92, sur 4 500 libéraux, nous n’avons reçu que 170 candidatures de volontaires disposés à s’engager dans nos centres. Cet effectif est d’autant plus insuffisant que le nombre des candidats à la vaccination a doublé en quelques jours. Dans ces conditions, la mobilisation autoritaire des médecins constitue une nécessité de santé publique en contexte de crise sanitaire, et répond aux exigences déontologiques qui doivent être celles de tout praticien. »
Les circulaires ministérielles du 21 août et du 28 octobre avaient pourtant classé les libéraux en dernière position pour les ordres de réquisition, après les salariés, les étudiants et les internes. Mais les fichiers les concernant n’ont, semble-t-il, pas été transmis aux DDASS. La direction régionale du travail n’a pas communiqué les listes de médecins du travail et les doyens des facultés n’ont pas fourni les listes de leurs étudiants de 3 e et 4 e années. Les réquisitions vont donc être adressées dès cette semaine aux libéraux altéséquannais, sur la base, dans un premier temps, d’une vacation mensuelle. Les homéopathes, accupuncteurs et autres ostéopathes devraient être les premiers visés, 700 généralistes ayant été identifiés comme spécialement sollicités en période épidémique.
Selon le Dr Jean-Paul Hamon (FMF), « ça commence à réquisitionner un peu partout ». Cependant, la démarche du 92 restait lundi soir exceptionnelle. La DDASS du 77, malgré le décuplement de la fréquentation enregistrée dans ses centres la semaine dernière, comptait encore faire face avec les médecins salariés et les internes. Celle du 95 considère qu’ « on n’en est pas encore à réquisitionner les libéraux », tout en admettait qu’on n’en a jamais été aussi proche. Dans le 94, on se retranche derrière des décisions qui devront être prises collégialement, sous la responsabilité du préfet. Dans l’Orne, l’inspectrice principale de la DDASS avoue que la gestion des volontaires permettra encore de faire face cette semaine, mais qu’elle risque d’être insuffisante dès la semaine prochaine. Le plus souvent, comme à Paris, la consigne « silence radio » prévaut, pour ne pas faire mentir les protestations réitérées par les autorités de santé nationales, qui garantissent qu’il ne saurait être question de faire fermer un cabinet de généraliste, qui se trouve évidemment en première ligne dans le contexte épidémique.
« Déficit d’organisation ».
Les réquisitions fermes semblent devoir se généraliser, malgré les dénégations officielles, pour ajuster le fonctionnement des centres à une demande croissante du public. Au Conseil national de l’Ordre des médecins, le Dr André Deseur, président de la section Exercice professionnel, estime que « les médecins n’ont d’autre choix que de s’y plier », mais il exprime son « immense regret qu’un déficit d’organisation n’ait pas permis d’échapper à une telle mesure. Sortir de force des praticiens de leur activité de soins risque de susciter une bronca, avertit-il, en se faisant l’écho des réactions qui lui parviennent via les conseils départementaux. Une bronca que nous comprenons dans la mesure où il existait d’autres possibilités pour organiser la vaccination. L’Ordre aurait pu communiquer, si on lui en avait fait la demande, des fichiers de médecins du travail, si tant est que les directions régionales du travail n’ont pas pu procéder à leur extraction. »
Alors que le conflit semblait en voie d’apaisement par rapport à la vaccination en ville (« le Quotidien » de lundi), il risque à présent d’être rallumé autour des réquisitions. « Il va y avoir du sport », promet le Dr Michel Chassang (CSMF), dénonçant « des mesures complètement incohérentes ».
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique