LE QUOTIDIEN : Quel est votre jugement sur la politique de santé du gouvernement depuis dix mois ?
DR JEAN-PAUL HAMON : Après cinq années très difficiles passées avec Marisol Touraine, nous avions de l'espoir, mais la déception commence à poindre. Alors que la France se désertifie chaque jour un peu plus, les cinq groupes de travail créés pour transformer le système de santé ne comportent aucun libéral ! Les feuilles de route doivent être rendues dans deux mois, ce qui signifie que les premières mesures seront mises en place dans plus d'un an. En gros, le gouvernement fait comme s'il avait le temps, alors qu'on ne peut plus se permettre de perdre un seul médecin ! Les signaux envoyés par le gouvernement sont inquiétants.
Que faut-il faire en priorité pour améliorer l'accès aux soins ?
Il faut réorganiser le système autour d'un vrai parcours de soins qui prenne en charge correctement les soins non programmés, avec du personnel, un secrétariat ou un assistant médical et des locaux corrects pour accueillir les patients et les internes. La FMF demande un forfait structure digne de ce nom – 30 000 euros par an – et une rétribution de la maîtrise de stage à hauteur de 20 000 euros. Cela vaut aussi pour les médecins qui assurent la continuité et la coordination des soins même s'ils ne sont pas regroupés.
Si les médecins bossent dans des conditions correctes avec du matériel, des locaux et des internes, la pérennité de la médecine de proximité sera garantie. Quand on voit que même le sud des Hauts-de-Seine est classé en zone prioritaire, il y a le feu dans la maison !
Ne regrettez-vous pas d'avoir adhéré à la convention médicale en 2016 ?
Non. Cela a permis de donner une petite bouffée d'oxygène aux généralistes avec deux euros en plus sur la consultation. Les médecins des Antilles ont obtenu 4 euros supplémentaires, ce qui n'est pas négligeable. De même, les consultations complexes ont introduit un début de nomenclature clinique. Il fallait faire l'expérience de la signature, voir si l'attitude du gouvernement allait changer à notre égard ; mais au bout d'un an, je le redis, la déception est là.
Ce week-end, en assemblée générale, il y aura une discussion au sein de la FMF sur notre présence dans la convention. Malgré la mise en place de commissions de conciliation, l'attitude autoritaire du directeur général de l'assurance-maladie à Romillé l'année dernière, refusant la levée des sanctions pour les généralistes [qui avaient pris le C à 25 euros avant l'augmentation officielle], n'a pas été digérée.
Que pensez-vous des propositions de la CNAM sur la tarification de la télémédecine ?
L'avenant n'est pas signable en l'état, les tarifs proposés sont en dessous d'une rémunération correcte. Au moment où nous négocions, des plateformes privées de téléconsultation ont obtenu leur agrément de la part de l'ARS Ile-de-France. Et Nicolas Revel nous propose des rémunérations presque insultantes : 12 ou 20 euros sur des télé-expertises, ce n'est pas acceptable ! Il y a un vrai mécontentement. On a parfois l'impression qu'on est en train de nous balader.
Quels sont les autres sujets qui font débat au sein de la FMF ?
Il y a la question des prises de rendez-vous à domicile en ligne, via des plateformes bien connues. Cela peut soulager nos secrétariats et rendre service aux gens. Mais quand je vois que les informations des patients sont stockées dans les bases de données, je me pose des questions. Qui nous dit qu'il n'y aura pas de rachat par une boîte comme Google ? Le médecin aura perdu son indépendance. Nous devons défendre à tout prix cette indépendance du médecin et la protection des données du patient. La question se pose aussi, dans une moindre mesure, avec le dossier médical partagé.
Justement, la généralisation du DMP cet automne, vous y croyez ?
Quand on annonce des dates comme ça, je repense toujours aux propos de Xavier Bertrand en 2005. Nous attendions l'attribution des Jeux Olympiques d'été de 2012, entre Londres et Paris. Londres a été choisie, et Xavier Bertrand a alors dit : "Nous n'aurons pas les JO en 2012, mais nous aurons le DMP en 2007 !". Alors quand j'entends Nicolas Revel dire que le DMP sera déployé en octobre, j'attends de voir de quelle année nous parlons…
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