DE NOTRE CORRESPONDANTE
« VOUS VOULEZ être soignés demain comme vous avez été vaccinés hier contre la grippe ? ». Avec sa formule, le représentant de l’UNOF 38 a fait mouche parmi les quelque deux cents généralistes, venus de tout Rhône-Alpes à Lyon pour crier leur « ras-le-bol ».
Devant le siège de l’actuelle URCAM (Union régionale des caisses d’assurance-maladie) bientôt absorbée par l’ARS (agence régionale de santé), les visages n’étaient pas rougis que par le froid cinglant qui régnait sur l’esplanade de la Part-Dieu ce 11 mars ; ils bouillaient d’une rage encore contenue, mais jusqu’à quand ? Pancartes et banderoles rivalisaient de messages alarmistes, certains généralistes arborant aussi le brassard noir de rigueur pour cette journée « médecine morte ». « Assez de cette technique de la carotte qui pend devant le nez de l’âne », a lancé le président de MG 69, Roger Bolliet, sous les applaudissements de ses confrères, toute appartenance syndicale confondue.
Jamais la profession n’avait exprimé aussi vivement son désarroi face aux conditions actuelles de son exercice. « Nous sommes des ouvriers de la médecine, aujourd’hui débordés par des tâches qui ne relèvent pas de la médecine, et sans reconnaissance du travail accompli », déplore Catherine Cadeau-Engelbrecht, généraliste à Saint-Nazaire-les-Eymes (Isère), en zone semi-rurale. D’ailleurs, « si tous les médecins sont désormais spécialistes, surenchérit sa consur Brigitte Le Rumeur-Lasserre qui exerce à Saint-Ismier (Isère), alors pourquoi n’ont-ils pas tous le même salaire ? ». Entre combativité et capitulation, certains se révèlent néanmoins hésitants. C’est le cas du Dr Véronique Pommier, généraliste à Caluire (Rhône) qui songe – « par ras-le-bol de la Sécu » – à dévisser sa plaque de médecin et la remplacer par celle d’ostéopathe, puisqu’elle possède la double formation. Elle confie combien son associée est également en difficulté : « Elle est contente quand le cabinet ne lui coûte pas plus qu’il ne lui rapporte ! »
Re-connaissance.
Bien au-delà du CS à 23 euros, les revendications sont toutes symptomatiques du même mal, que les gouvernements successifs sembleraient avoir laissé s’enraciner : la dévalorisation de la médecine générale. « La compréhension de notre travail n’a pas été faite à plus haut niveau, on est dans la rue pour dénoncer cela », indique le Dr Dominique Lagabrielle qui exerce à Grenoble et enseigne cette spécialité à l’université. Et de poursuivre : « Il faut un arbitrage urgent, au plus haut niveau, pour investir, valoriser la médecine générale et stimuler la recherche dans notre spécialité ; c’est la seule façon de la rendre à nouveau attractive. »
Nul doute que les manifestants ont donné tous les signes d’une crise existentielle désormais aiguë : « Médecine outragée, médecine brisée, médecine martyrisée », avait écrit Marcel Garrigou-Grandchamp, délégué Rhône-Alpes d’Union généraliste, sur sa pancarte. Pour la forme, mais sans espoir sur le fond, une délégation s’est entretenue en fin de manifestation avec Georges Dorme, actuel directeur de l’URCAM Rhône-Alpes. Selon les organisateurs, deux tiers des cabinets de généralistes de la région avaient indiqué leur intention de fermer ce 11 mars. Et la suite ? « Pour l’avenir, nous n’excluons rien, y compris le renouvellement de ce type de mouvement jour après jour », affirme Roger Bolliet. La fronde est souvent venue de Rhône-Alpes, et lorsqu’une profession affirme qu’elle n’a plus rien à perdre, c’est que l’alarme a déjà sonné.
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