Médecins correspondants du Samu : une répartition encore inégale

Publié le 21/10/2022
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Installés à plus de 30 minutes des SMUR, les médecins correspondants du SAMU prennent en charge de manière précoce les urgences vitales dans les zones isolées. Ils gagnent ainsi un temps précieux pour la prise en charge du malade et renforcent les liens entre médecine de ville et hôpital.

10 ans après le lancement de ce nouveau statut, les MCS demeurent peu présents sur la moitié nord de la France

10 ans après le lancement de ce nouveau statut, les MCS demeurent peu présents sur la moitié nord de la France

100 % de la population à moins de 30 minutes d’un service d’urgence. C'était l'une des promesses phares de François Hollande en matière sanitaire pour la fin de son quinquennat en 2017. Pour améliorer la prise en charge des patients habitant dans des territoires isolés, les pouvoirs publics avaient alors créé le statut de médecin correspondant du SAMU (MCS). Ces médecins généralistes volontaires ayant une appétence pour l’urgence interviennent en avant-coureur des structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) dans des zones peu densément peuplées ou difficilement accessibles aussi bien en montagne qu’en milieu rural. Ils constituent en cela un véritable soutien des structures d’urgence et « une vraie réponse à la désertification médicale » considère le Dr Gaël Gheno, médecin généraliste à Annecy et président de l’association nationale des centres d’enseignement des soins d’urgence (ANCESU).

« Dans les Hautes-Alpes, un MCS met 13 minutes pour être au contact du patient quand le SMUR arrive en 46 minutes » ajoute la Dr Marie-Annick Hidoux, médecin généraliste à Gap et présidente de MCS France. Un gain de temps considérable pour les patients puisque le SAMU fait appel aux services de ces médecins de premier recours dans des cas d’urgences vitales ou potentiellement vitales. Selon la médecin généraliste d'Annecy cela comprend notamment des pathologies cardiovasculaires, des détresses respiratoires, des douleurs et des traumatismes sévères, mais aussi, « plus à la marge, il y a tout le reste comme les problèmes neurologiques ou encore métaboliques » ajoute-t-elle. Des interventions pour des motifs variés qui placent donc ces médecins à la frontière entre la médecine générale et la médecine d’urgence.

Des généralistes pas des urgentistes

C’est pourquoi la formation obligatoire suivie par les MCS reprend les grands principes de la médecine d’urgence sans pour autant en faire des urgentistes. L’objectif est de fournir aux médecins les compétences nécessaires pour prendre en charge les urgences pendant le temps nécessaire à l’arrivée du SAMU sur place.

Un référentiel national énumère certains points obligatoires. Durant quatre jours au minimum avec des variations en fonction des régions, cette formation s’articule entre ateliers pratiques et mises en situation dans des centres de simulation ; elle aborde également les « interventions sur lesquelles nous sommes le plus souvent sollicités » précise le Dr Gheno. À cela s’ajoutent des thèmes optionnels comme la prise en charge des accouchements inopinés. Une formation annuelle de deux jours est également obligatoire afin de rester MCS. Portée par les centres d’enseignement des soins d’urgence (CESU), elle permet de réactualiser les connaissances et de maintenir les compétences des MCS.

Jamais seuls

Formé et opérationnel, un MCS réalise entre sept à onze interventions en moyenne par an « d’une heure à une heure et demie voire deux ou trois heures si c’est plus long », détaille le Dr Gaël Gheno, laissant alors ses patients en salle d’attente. « C’est la contrepartie, précise le président de l’ANCESU. Ils doivent alors attendre le retour du médecin ou bien, s’il exerce dans un cabinet de groupe, ils sont pris en charge par les collègues ».

Le soutien des professionnels des urgences aux MCS contribue à renforcer son rôle de lien entre la médecine de ville et l’hôpital. Le SAMU-Centre 15 conseille en permanence le MCS en intervention tandis que les hôpitaux sièges de SMUR fournissent et entretiennent l’équipement nécessaire à leur mission. Scope, défibrillateur, électrocardiographe, médicaments sélectionnés par rapport à leur domaine d’intervention… « Ils ont presque le même matériel qu’un SMUR » précise le Dr Gheno. « Un vrai réseau humain se crée entre généralistes, et urgentistes, ajoute la Dr Marie-Annick Hidoux. Les spécialistes qu’ils rencontrent durant leur formation » participent de ce réseau pouvant les aider dans le cadre de leur activité de MCS ou de généraliste.

Un modèle à diffuser

Le maillage d’un tel réseau professionnel n'est pas complet. « La moyenne d’âge des MCS que nous formons se situe entre 40 et 50 ans, confirme Gaël Gheno. Ce qui fait, continue-t-il, que parmi les 632 MCS recensés en 2022, « on rencontre aussi bien des jeunes installés que des médecins plus expérimentés », implantés principalement en Auvergne-Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Une répartition inégale de ces médecins sur le territoire qui montre que ce modèle peut encore diffuser là où ce serait nécessaire.

 

Cela implique de convaincre. D'abord les ARS qui pilotent le système et rémunèrent les MCS pour chacune de leurs interventions. Mais aussi les directeurs des SAMU ou les conseils de l’ordre. Sans oublier bien sûr l’ensemble des acteurs de santé. « On n’est parfois jamais allé voir les médecins généralistes de ces territoires, se désole la Dr Hidoux. » Le mouvement pourrait cependant s'accélérer. Le développement de ce système est en effet une des 41 recommandations faites en juin 2022 par la mission flash sur les urgences de François Braun, alors président de SAMU-Urgences de France.

Exergue : Des formations existent pour les généralistes intéressés par la fonction

Antoine Vergely

Source : Le Quotidien du médecin