PARIS (17e)
Dr ALAIN CHOUX
Depuis la fuite bien organisée d’un mémoire confidentiel sur le Médiator relayé par le Figaro puis par tous les organes de presse bien-pensants, écrite et audiovisuelle, l’opinion se déchaîne sur le laboratoire Servier comme sur l’agneau de La Fontaine...
Il faut bien sûr revenir aux dures réalités des faits :
- Un laboratoire affiche des études cliniques qui aboutissent d’une part à l’AMM (autorisation de mise sur le marché), d’autre part à la fixation du prix du médicament et du taux de remboursement par la Sécurité Sociale.
- Si le médicament ne répond pas aux attentes, ou s’il présente des effets secondaires trop importants, il appartient au pouvoir politique de supprimer son remboursement.
Fait du Prince dont il ne prive pas depuis quelques années…
Il est bien “curieux “qu’un pays en voie de développement, en l’occurrence les États-Unis, ait supprimé le remboursement de ce fameux Médiator dès les années 1997-1998, alors que, sans doute par intérêt (20 000 salariés chez Servier) ou par distraction, en faisant fi des différents scandales de Santé publique qui se succèdent à un rythme soutenu depuis 1982, les politiques français de tous poils n’en tirent aucun
enseignement : tant sous la gauche que la droite et malgré de nombreux signaux d’alerte, ce médicament, tant honni ces derniers jours, objet de tous les maux, n’a été décrété néfaste que fin 2009.
Les politiques qui comme d’habitude ont été complices de cette nouvelle infamie, crient haro sur le baudet (le labo) et sur les médecins ; ceux-ci se dédouanent comme par miracle de toute responsabilité, et le bon docteur Bertrand, qui n’a jamais rien fait, soutenu par sa hiérarchie et l’opposition, n’est pas le dernier à fustiger Servier.
Lorsque l’on veut se débarrasser de son chien, on affirme qu’il a la rage. Bien entendu le laboratoire a une responsabilité dans ce scandale mais qu’ont fait les politiques de 1998 à 2009 ? Rien.
Décidément, à l’image de l’animal, leurs capacités d’adaptation sont inexistantes, et l’on pourrait reprendre une maxime d’un grand Homme :" Nous avons les dirigeants que l’on mérite".
Les médecins prescripteurs, boucs émissaires des responsables politiques
Lyon (3
e)
Dr Marcel Garrigou-Grandchamp
Comment interpréter autrement l’annonce de la pénalisation des médecins qui auraient prescrit du Benfluorex hors AMM, en les faisant participer au fonds d’indemnisation ?
La prescription médicale faite dans le cadre de l’AMM ou hors de son champ engage de la même manière le médecin sur le plan juridique civil ou pénal, la seule différence est administrative : il est tenu de porter sur ses ordonnances la mention NR (Non remboursable) pour ne pas autoriser le remboursement par les organismes sociaux des médicaments prescrits hors AMM.
La prescription médicale est encadrée par un certain nombre d’articles du Code de Déontologie Médicale repris dans le Code de la Santé Publique, du Code de la sécurité sociale et de textes législatifs comme la Loi 2002-303 du 4 mars 2002.
Ces textes rappellent la liberté de prescription du médecin, comme principe fondamental dans l’intérêt des assurés sociaux; l’obligation pour le médecin de limiter ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins ; d’assurer des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science en évitant de prescrire des traitements insuffisamment éprouvés ou de faire courir un risque injustifié au patient ...Le médecin doit aussi informer ses patients sur les risques fréquents graves et prévisibles des traitements prescrits.
Il s’agit donc pour le médecin d’apprécier le rapport bénéfice/risque du traitement prescrit, encore faut-il que celui-ci bénéficie des informations nécessaires à cette évaluation et dans le cas du Benfluorex, ni le laboratoire, ni la pharmacovigilance française n’a signalé aux prescripteurs les effets secondaires aujourd’hui dénoncés. À à titre d’exemple, la "bible" des prescripteurs, le dictionnaire VIDAL qui reprend les recommandations de l’Agence française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) n’a pas mentionné les effets secondaires cardio-vasculaires aujourd’hui dénoncés, que ce soit lors de la première AMM en 1974 ou lors de ses révisions en 87, en 29 janvier 2009 ou même lors du retrait le 25 novembre 2009.
Attribuer une responsabilité, même partielle aux prescripteurs, chercher à les scinder en "bons" ou "suspects" selon leurs prescriptions "hors" ou "dans" l’AMM me parait une forfaiture sur les plans juridique et politique. Aussi, j’ai l’intention de conseiller aux médecins de poursuivre devant la justice de notre pays les responsables de la pharmacovigilance française qui n’ont pas mis à leur disposition les outils nécessaires à leurs pratiques avec un minimum de sécurité pour leurs patients.
Je ne détaillerai pas ici les causes de la faillite totale du système de pharmacovigilance français, mise au jour avec l’affaire du Mediator, mais il suffit d’analyser pour s’en convaincre de consulter les différents rapports ou les entretiens de la commission parlementaire sur le sujet qui a auditionné un certain nombre de confrères, dont quelques-unes adhérents comme moi de l’association Formindep ( formation et information indépendantes) . Ne conviendrait-il pas dans un premier temps de faire respecter la Loi en exigeant l’obligation de la publication des confits d’intérêt des experts en matière de santé ?
Combien faudra-t-il encore "d’affaires" de ce type pour que soit complètement repensée la pharmacovigilance de notre pays ?
Syndicats médicaux : un spectacle pitoyable
Arcachon
Dr THIERRY LE BRUN
C’est en spectateur que j’assiste désormais, dans vos colonnes, aux palabres des négociations conventionnelles et à tout ce qui concerne la politique de santé de notre pays. En spectateur, certes, puisque je fus mis en retraite syndicale fin 2009, partageant la charrette de Martial Olivier-Koehret, mais en spectateur averti. Car, comme me le disait Pierre Costes (encore un ancien président de MG France), lorsque j’ai rédigé le manifeste de Châtel Guyon en 2003 (période où MG France était force de propositions) : "après avoir été en responsabilité, la vision que nous portons sur les événements est considérablement modifiée."
Redevenu simple spectateur donc, n’ayant plus aucun lien ni avec les uns, ni avec les autres, je dois dire que la pièce qui se joue actuellement ne me plaît pas du tout. Au point que je me résigne à sortir de mon silence, forcé au début, mais agréable et assumé depuis.
Les acteurs en premier lieu : si certains jouent leur rôle à la perfection, fidèles à une tradition hégémonique et populiste ; d’autres se disputent la vedette en jouant à refaire les castings présidentiels en cours de route, si bien que l’on ne sait plus qui est distribué et dans quel rôle ; et d’autres encore, rajoutent des seconds rôles au script, pensant sans doute être les auteurs de la pièce, alors qu’ils sont juste de piètres acteurs. Chacun se reconnaîtra.
Le scénario ensuite : est-il écrit ou bien l’improvisation est-elle de règle ? Dans le premier cas, cela laisse rêveur sur la nécessité de jouer cette mauvaise farce ; dans le second, il est à craindre pour l’avenir de notre médecine libérale. Et pourtant, quand on examine l’indigence des propositions de part et d’autre, les interrogations subsistent.
Messieurs les syndicalistes, réveillez-vous et mettez-vous au travail. Assumez vos choix de politique professionnelle, s’ils existent, au lieu de flatter des électeurs qui, de toute façon, ne se déplacent plus pour vous. Défendez ces choix en négociation, devant vos partenaires, et développez un consensus. Une négociation de cette importance ne doit pas se dérouler dans des couloirs ou des bureaux annexes, en bilatérales, comme je l’ai connu autrefois. En un mot, soyez responsables.
Alors, amertume d’un ex-syndicaliste aigri distillant des propos sans intérêt ? Peut-être. Mais surtout colère d’un médecin généraliste libéral qui se demande si quelqu’un va s’occuper de son avenir et comment. Et je suis certain de ne pas être le seul à penser de la sorte devant le spectacle pitoyable qui nous est offert ces derniers temps.
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