Installée dans le quartier des Cévennes à Montpellier, la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), labellisée en janvier 2021, regroupe quatre médecins généralistes, un remplaçant, deux infirmières libérales, un psychologue, deux biologistes et trois pharmaciens. Originalité, depuis un an, elle a salarié une médiatrice en santé.
Cette idée trottait depuis 2019 dans la tête des médecins réunis initialement en cabinet de groupe. « Nous sommes implantés dans un quartier prioritaire de la ville avec une population qui vit dans une grande précarité, témoigne le Dr Antonio Lopez, 40 ans, généraliste installé depuis 2011. Depuis des années, on constate des cas fréquents de renoncement aux soins ». Son associé, le Dr Philippe Trichard, 60 ans, abonde en ce sens. « Un patient diabétique consulte pour une phase aiguë, je fais la prescription mais je me rends compte que, six mois après, il n'est pas allé faire sa prise de sang pour des raisons diverses. Je n'ai pas de temps, de compétence pour l'aider, on est démunis ». Dans ce contexte, la nécessité s'est imposée d'avoir « une personne disponible pour orienter le patient vers le bon guichet, faire le lien avec les professionnels de santé et les institutions », insiste le Dr Lopez.
Fracture numérique
Émilie Garcia, 35 ans, a été recrutée en tant que médiatrice en santé pour « combler ce manque ». Défini dans la loi santé de 2016 et mis en place dans les associations et les collectivités locales, ce métier s'implante peu à peu dans les structures libérales d'exercice coordonné.
Les compétences, la formation et les bonnes pratiques de la médiation en santé ont été encadrées par un référentiel de la HAS en 2017. La mission principale est d'accompagner individuellement les personnes éloignées des soins confrontées à des obstacles multiples – précarité, isolement, budget, maîtrise de la langue, etc. – qui compliquent ou empêchent leur accès aux soins. « Dans le quartier, beaucoup d'habitants ne lisent pas le français, témoigne la jeune femme. Il existe aussi une fracture numérique importante. Je les aide à ouvrir leurs droits, à faire la demande de complémentaire santé solidaire, à prendre des rendez-vous médicaux. ».
Cette ancienne chirurgienne-dentiste en reconversion accompagne aussi les personnes précaires lors des consultations médicales. Elle se positionne en « facilitateur » avec le médecin traitant ou les spécialistes. « J'ai aidé une jeune fille dépressive, isolée qui n'arrivait plus à faire ses courses, prendez ses rendez-vous médicaux, raconte-elle. Je l'ai aidée à ouvrir la porte du cabinet, à préparer les questions qu'elle souhaitait poser. Mon travail est de l'amener à devenir autonome pour prendre en main sa santé ».
Elle est aussi amenée à orienter au mieux des patients fragiles au sein d'un parcours de soins (ville, hôpital, médico-social), souvent peu lisible et peu accessible. C'est le cas d'un jeune polyhandicapé qui « ne sait pas vers qui se tourner ». « J'ai pu centraliser les infos et l'accompagner dans un centre de kiné », confie-t-elle. Le suivi est assuré par un retour d'informations dans le dossier médical. La médiatrice organise également des actions collectives de prévention auxquelles participent les médecins de la maison de santé.
Gain de temps « phénoménal »
Chaque après-midi, Émilie Garcia reçoit sans rendez-vous, dans un espace fermé, aussi bien des patients « tout-venant » que ceux repérés par l'équipe. « Il y a un très gros travail d'écoute pour identifier les difficultés », insiste-t-elle. Et pour se faire connaître du réseau de proximité (services hospitaliers, spécialistes libéraux, travailleurs sociaux), elle multiplie les rencontres pour expliquer son travail. Une fois par semaine, la médiatrice assiste aux réunions de concertation pluriprofessionnelle. « L'échange autour des cas me permet de mieux comprendre des situations complexes », se félicite-t-elle. Pour les généralistes de la MSP, cette « présence valorisante » répond à « de vrais besoins » et apporte un « gain de temps phénoménal ». « Au lieu de passer une demi-heure sur une problématique pendant la consultation, on peut compter sur Émilie pour la gérer », confie le Dr Lopez.
Depuis un an, la jeune femme a accompagné 80 personnes, non sans difficultés. « Comme je fais l'interface entre la santé et le social, les professionnels sont encore un peu perdus sur le périmètre de mes missions », explique-t-elle. Autre ombre au tableau : le financement de son poste. Aujourd'hui, une partie de son salaire (un peu plus d'un Smic) est payée grâce aux aides de la caisse primaire de l'Hérault, au titre du dispositif des assistants médicaux. « Mais ce n'est pas satisfaisant, souligne le Dr Trichard. Nous voulons montrer aux départements et à l'ARS que ce nouveau métier apporte un plus dans les structures libérales et qu'il faut trouver un modèle de financement pérenne ».
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