LE QUOTIDIEN : De plus en plus de maires se mobilisent pour faire venir les médecins sur leurs territoires. Devant la difficulté à recruter, les élus souhaitent-ils passer à des mesures de coercition ?
NATHALIE NIESON : Nous sommes devant un problème insoluble. Malgré tout ce qu'ils ont fait pour attirer les médecins généralistes, les maires des petites villes sont confrontés à une pénurie. L'image d'Épinal veut que la désertification médicale soit associée aux déserts ruraux. Ce n'est plus seulement cela. Même les villes périurbaines sont touchées. Par exemple, à Bourg-de-Péage, nous sommes à côté de l'A87, à 10 minutes de la gare Valence TGV et à moins de 30 minutes du centre de Valence. Et pourtant, nous avons toutes les difficultés à « recruter » des médecins. Nous savons que les temps ont changé, que la liberté d'installation des médecins est importante et qu'ils doivent se sentir accompagnés. Mais s'il n'y a pas une vraie prise de conscience de la part de l'Ordre, des syndicats, de la profession tout entière, alors, oui, il n'y aura pas d'autre choix que de passer par des mesures coercitives. Au sein de l'APVF, tous les élus ont déjà rencontré des difficultés à recruter des médecins. Parmi eux, beaucoup de maires sont donc prêts à aller plus loin.
Les initiatives incitatives des maires ont-elles montré leurs limites ?
Oui, certaines. On peut dire par exemple que les maisons de santé ne sont plus la panacée. Beaucoup ont été financées, construites, et finalement ne sont pas occupées, car elles n'attirent pas les médecins. S'il n'y a pas de projet médical derrière une maison de santé, c'est un échec à coup sûr. Nous comprenons que le médecin qui vient s'y installer doit se reconnaître dans le projet médical porté par l'établissement. Certaines municipalités ont aussi fonctionnarisé des médecins, mais c'est loin de pouvoir être applicable partout. Faire venir des praticiens de l'étranger n'a pas toujours été une réussite non plus. Il y a parfois un problème de confiance des patients en la capacité à soigner du médecin qui n'a pas été formé en France…
Quelles mesures n'ayant jamais été testées permettraient selon vous d'attirer des médecins dans les territoires sous-dotés ?
Régionaliser le numerus clausus peut être intéressant. Mais il faudra être vigilant sur l'application de cette mesure en région. En Rhône-Alpes, par exemple, si on fixe un nombre d'étudiants selon les besoins du territoire, mais que finalement, au terme de leurs études, les diplômés vont tous s'installer dans le bassin lyonnais ou grenoblois, ça perd un peu de son effet. Nous pourrions également regarder ce qu'ont fait les pharmaciens ou les infirmiers avec le conventionnement sélectif, en autorisant une installation pour un départ en retraite dans les zones surdotées. Enfin, pourquoi ne pas s'inspirer des concours de fonctionnaires ? Plus le résultat au concours de sortie est bon, plus la personne peut choisir où elle souhaite exercer, en tenant compte des besoins des régions. Le mieux serait de réfléchir aux solutions avec les médecins eux-mêmes. Il y a urgence. L'élection présidentielle permettra peut-être d'aborder ce sujet délicat… D'ici-là, je ne vois pas comment la situation pourrait ne pas empirer.
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