Mieux rémunérer les médecins dans les zones fragiles, accorder l'autonomie aux hôpitaux, diminuer le taux de prise en charge par la Sécu de 76 % à 73 %, revoir les conditions du remboursement des soins en ALD : dans un entretien au « Quotidien », Nicolas Sarkozy dévoile son plan de bataille sur la santé. S'il est élu en 2017, l'ancien président de la République abrogera « immédiatement » le tiers payant généralisé obligatoire.
LE QUOTIDIEN : Manuel Valls souhaite porter à 1 400 le nombre de maisons de santé en 2018. Est-ce la voie d’avenir ou doit-on encore miser sur l’exercice libéral isolé ?
NICOLAS SARKOZY : Je suis évidemment favorable aux maisons de santé pluridisciplinaires. C’est une des formes d’exercice de la médecine libérale que j’ai initiée et encouragée, mais ce n’est pas la seule ! Face aux attaques du gouvernement, je veux réaffirmer mon attachement à la médecine de ville et à son excellence à laquelle les Français sont si attachés. La liberté de choix du praticien par le patient et la liberté de prescription pour le médecin sont fondamentales à mes yeux.
Au regard des enjeux de la démographie médicale, doit-on instaurer une dose de contrainte à l’installation ?
Je ne crois pas à la coercition. Le dirigisme en matière de politique de santé contre les professionnels est contre-productif. Je suis en revanche favorable à des mesures incitatives pour certaines spécialités dans les territoires en mal de médecins. Exercer dans un désert médical est une forme de service d’intérêt général et doit être récompensé à juste titre. Dans ces zones fragiles, notamment en ruralité, le même acte médical devrait être mieux rémunéré que dans les zones à forte densité médicale.
Vous proposez un plan pour la médecine libérale d’un milliard d’euros pour 2020. Quelle est la priorité ?
L’hôpital a été la priorité des 15 dernières années. Le temps est venu de la médecine de ville ! Il faut répondre à l’évolution démographique et épidémiologique au plus proche des patients. Il faut davantage de proximité et utiliser toutes les potentialités des nouvelles technologies numériques. Une partie de cette ambition pour la médecine libérale portera sur les autres modes de rémunération. Je suis attaché à la rémunération à l’acte mais je souhaite développer parallèlement les forfaits et le principe de rémunération sur objectif de santé publique, en concertation avec les médecins. Assurer le suivi au long cours d’un patient diabétique ne nécessite pas systématiquement un paiement à l’acte.
Mais selon vous, quel est le juste tarif de la consultation de base ?
Je suis à l’origine de la dernière revalorisation du « C ». Or, un euro de plus, c’est 300 millions d’euros de plus, ce qui n’est pas rien. Si la rémunération de la consultation est insuffisante, on a tort d’en faire un acte unique. 23 euros pour expliquer à un patient qu’il souffre d’une maladie grave n’a aucun sens. 23 euros pour le renouvellement d’une ordonnance d’un traitement anticholestérol, ce n’est pas la même chose. C’est donc l’ensemble de la rémunération des médecins libéraux qu’il faut revoir.
Élu, abrogerez-vous la loi Touraine et le tiers payant généralisé ?
Tout ne fait pas polémique mais nous abrogerons immédiatement le tiers payant généralisé obligatoire. Ce dispositif déresponsabilise le patient en renforçant la culture de la gratuité. Il ne répond en rien à la problématique de l’accès aux soins puisque les patients qui bénéficient de la CMU n’ont pas à faire l’avance de frais. Enfin, il peut mettre fin à l’indépendance du médecin en le jetant dans les bras de la seule assurance-maladie. Adieu, sa liberté de prescription. Adieu, la liberté de choix pour son patient.
J’ajoute que nous mettrons fin à ce concept idéologique qu’est le bénéfice jugé « déraisonnable » des cliniques.
Lorsque vous étiez aux responsabilités, vous vouliez un seul patron à l’hôpital. Dix ans après la loi Bachelot, doit-on aller plus loin dans l’autonomie ?
Entre 2007 et 2012, nous avons investi huit milliards d’euros sur l’hôpital et augmenté le personnel médical et paramédical de 6 %. Nous proposons aujourd’hui d’accorder l’autonomie aux hôpitaux. Il faut davantage de liberté et moins de bureaucratie. Le temps de travail devrait être négocié dans chaque établissement. Certes, tous devront atteindre les 35 heures, mais l’exécutif de chaque structure pourra négocier des heures supplémentaires et leur niveau de déclenchement.
Les hôpitaux pourront aussi choisir de développer telle ou telle spécialité. Cette autonomie sera possible à deux conditions : l’équilibre financier et la signature d’un contrat unique d’engagements avec l’agence régionale de santé.
Êtes-vous favorable aux groupements hospitaliers de territoire ?
Je suis favorable aux rapprochements de nos hôpitaux et cliniques. C’est impératif ! La sécurité des Français n’est pas d’avoir un hôpital à cinq kilomètres mais d’avoir un établissement solide, susceptible de les soigner quelle que soit leur pathologie. Mais attention : regroupement ne veut pas dire systématiquement fermeture de services ou d’établissements pour autant ! Il s’agit de trouver le bon équilibre sur chaque territoire.
En 2015, l’assurance-maladie a affiché un déficit de 7,4 milliards d’euros. Quelles sont vos pistes d’économies ?
Pour maîtriser la croissance des dépenses tout en continuant à investir dans la santé, l’objectif national de dépenses doit être fixé à 1,75 % par an. Le taux de prise en charge des dépenses de santé par la Sécurité sociale avant intervention des complémentaires santé devrait passer de 76 % à 73 %. Je rappelle que le point équivaut à plus de deux milliards d’euros.
Il faut en particulier travailler sur la prise en charge des patients ALD qui représentent à la fois la plus grande part de la dépense et de la croissance de la dépense. Une amélioration de 1 % de l’efficience de la prise en charge des ALD génère potentiellement un milliard d’euros d’économies. Je propose donc que le remboursement des soins en ALD soit désormais défini dans le cadre d’un contrat personnel de prévention et de soins signé avec l’assurance-maladie. Les comportements irresponsables entraîneraient un moindre remboursement. Il ne s’agit en rien de stigmatiser les patients mais d’introduire de la responsabilité dans notre système de soins.
La suppression de l’aide médicale d’État (AME) pour les étrangers clandestins générerait une économie de plus d’un demi-milliard d’euros. Enfin, la lutte contre la fraude est une autre source majeure d’économies, et tout simplement un enjeu de justice pour les Français.
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