Convoqué aujourd’hui par la caisse primaire du Val-de-Marne pour « utilisation inadéquate de l’ordonnancier bizone », le Dr Didier Poupardin, généraliste à Vitry-sur-Seine, ne décolère pas. Ce praticien de 63 ans, qui compte un grand nombre de patients à faibles revenus, revendique le fait de n’utiliser que la partie haute de cet ordonnancier (celle réservée aux médicaments relevant de l’ALD, et donc pris en charge à 100 % par l’assurance-maladie) : « Il n’est pas possible de découper les gens en morceaux, explique-t-il au « Quotidien ». Par exemple, les médicaments que prennent mes patients au titre de leur ALD provoquent des effets secondaires. Je ne vois pas pourquoi les médicaments prescrits pour soigner ces effets secondaires ne seraient pas remboursés à 100 %. Par ailleurs, de nombreux patients renoncent aux médicaments prescrits dans l’autre partie de l’ordonnancier parce qu’ils ne peuvent pas se les payer. Qui peut affirmer qu’une autre pathologie non soignée pourrait ne pas aggraver la maladie prise en charge à 100 % ? ».
En 1999 déjà, Didier Poupardin avait été convoqué par les caisses pour une affaire similaire. « À l’époque, se souvient-il, les caisses n’avaient relevé d’anomalies que pour dix de mes patients, alors qu’aujourd’hui, 50 sont dans leur collimateur ». Cette affaire avait entraîné la signature de pétitions, tant de médecins que de patients, « si bien que la caisse s’était contentée d’un entretien individuel avec moi », analyse le praticien. Mais aujourd’hui, poursuit-il, « les caisses se sentent suffisamment outillées pour repartir à l’attaque » : selon lui, leurs méthodes sont maintenant « bien plus expéditives », car les médecins-conseils font désormais la liste des médicaments qu’ils pensent ne pas être rattachés à la maladie prise en charge à 100 %, et peuvent « condamner sans jugement les médecins à payer ».
On nous demande des choses impossibles.
C’est ce matin à 9 heures que le Dr Poupardin était convoqué par sa caisse. « Je risque des sanctions financières », continue-t-il, comme par exemple être contraint de « rembourser les sommes économisées par les patients ». Mais le généraliste n’est pas inquiet : « on nous demande des choses impossibles, qui ne relèvent absolument pas de notre métier. Il faut en finir avec cet ordonnancier bizone ».
Quant à la question de savoir si cette façon de prescrire ne serait pas un moyen détourné de se constituer une patientèle alléchée par un médecin si arrangeant, elle fait sourire Didier Poupardin : « J’ai 63 ans, une patientèle très nombreuse, et même si j’aime beaucoup mon métier et mes patients, j’en céderais volontiers une partie à un autre confrère. Mais nous sommes de moins en moins nombreux à accepter d’exercer dans des villes comme Vitry-sur-Seine ». Environ cinquante généralistes exercent aujourd’hui à Vitry-sur-Seine, qui compte 85 000 habitants.
› HENRI DE SAINT ROMAN
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