LE ROURET (06)
Dr GILLES CABROL
De dévissages en humiliations
c’est une race en voie d’extinction ;
jamais décemment honorés,
à la vindicte populaire exposés,
par l’administration ensevelis
et par les syndicats rarement réunis,
ils doublent leurs jours avec vos nuits
pour mieux veiller sur vos vies :
divorce, infarctus, suicide,
témoins de leurs vies d’oxydes.
Et si vous les regardez bien,
ils sont aussi magiciens :
de vos trente-cinq heures et RTT
ils font le double sans AT,
ISD (ils se déplacent) pour dix euros
quand d’autres rajoutent un zéro.
Vos médecins sont aussi des êtres humains,
comme vous l’êtes au quotidien,
mais à trop mépriser ces libéraux,
ils finiront dans un zoo.
Faut-il désespérer ?
FRONTON (31)
Dr JÉRÔME MARTY
Le 22 juin 2011, les syndicats majoritaires ont décidé d’abattre la médecine libérale. En petit comité, sans aucune concertation avec la profession, sans avis de la base, ils ont décidé de dire oui au paiement à la performance. Ainsi nos responsables ont confondu mandat syndical et chèque en blanc, rôle politique professionnel et real-politique.
Me voilà donc de fait assujetti à la caisse d’assurance-maladie. Médecin aux ordres d’un système où les actes médicaux et non médicaux rapportent des points, et les points des euros. Un système qui met à bas l’idée même de médecine libérale.
Maigre acteur subventionné d’une médecine où la maladie de l’un est la maladie de l’autre. Où les actes sont identiques pour tous. Où les logiciels d’aide à la prescription remplacent l’esprit de synthèse, et les procédures et les protocoles la réflexion et la qualité médicale singulière au parcours de chacun (...).
Ma médecine est basée sur la relation de confiance entre des médecins qui appliquent les dernières données de la science et l’assurance-maladie. Elle sera désormais basée sur le dirigisme et le contrôle ! Tous obéissants, tous assujettis, tous normés… Et que plus rien ne bouge !
Ma médecine est basée sur une addition de différences : médecins différents, patients différents, pathologies différentes, histoires humaines différentes. Différences toutes génératrices de complexité et fécondes d’art médical.
Ma médecine est le résultat d’une mathématique où 1 + 1 peut être égal à 2, à 3, à 4… Ma médecine sait qu’elle n’est pas une science exacte. Au fil des progrès techniques et des dernières données de la science, ma médecine n’oublie pas que l’humain a toujours le dernier mot (...).
Je n’accepte pas la médecine décidée le 22 juin, faite d’utilisation de bréviaires et de livres de recettes, fameux guideline qui borne l’exercice médical jusqu’à l’enfermement et la médiocrité. Pas plus que je n’accepte, le risque de fonds de pensions majoritaire sur l’hospitalisation privée. Sujet différent mais résultat identique. Même problématique, même volonté de faire des soignants des variables d’ajustement et du patient un consommateur de soins que l’on oriente vers des produits et des soins normalisés, à moindre coût et de moindre qualité, pour de meilleurs bénéfices des actionnaires. Jusqu’à quand ?
La crise mondiale a, si l’on en croit les explications de nos responsables syndicaux, guidé les décisions prises le 22 juillet 2011. Responsables donc mais pas coupables… Elle pourrait provoquer, je l’espère, l’effondrement de ce système, le départ des fonds de pensions et le réveil des médecins, dont la responsabilité est grande d’avoir abandonné la direction des établissements privés.
Je ne peux supporter qu’en moins de 20 ans, la durée d’exercice d’une infirmière au sein de l’hôpital, soit passée de 30 ans, à moins de 10 ans ! Qui ose regarder cette réalité ? Comment en est-on arrivé au paradoxe d’un pays en crise, dont le chômage ne cesse de progresser, où les bénéficiaires de la garantie de l’emploi prennent le risque de l’abandonner pour partir vers des horizons moins sécurisés ? Qui peut croire, hormis nos responsables politiques et administratifs, que ces infirmières deviennent infirmières libérales pour trouver un exercice plus confortable et plus rémunérateur ?
Là encore, il s’agit des résultats de la politique de santé que ces mêmes responsables ont patiemment construite. Les infirmières ne quittent pas l’hôpital pour un exercice plus confortable, elles le quittent pour exercer leur fonction propre : le soin. Simplement parce qu’¹elles ne soignent plus, ou peu, ou mal à l’hôpital.
Trop de procédures, de protocoles, de traçabilités, de papiers, trop de non-soin ont déséquilibré l’exercice. Au sein d’un système hiérarchisé qui souvent oublie la reconnaissance, et d’une violence quotidienne subie à l’intérieur de services sans direction, à force de dilution de la responsabilité médicale sous la coupe d’une administration, pléthorique, contre productive et souvent inutile. Le résultat est là : plus de 20 ans d’activité perdus par IDE du secteur public ; des professions de santé guidées, aux exercices délimités par des protocoles, des procédures, des objectifs de performance, pour, dès maintenant, la désertion de certains, la résignation et la désespérance d’autres, et, pour demain, l’infantilisation de ceux qui ne connaîtront que
ce système (...).
Faut-il désespérer ? Non. Le 4 octobre 2011, une voix s’est levée pour s’opposer à la nouvelle convention. Une voix qui représente les médecins et les malades, dans leur immense majorité de silence. Une voix garante de probité, d’éthique, et d’humanisme intemporel, une voix de résistance, qui enfin reflète la pensée des médecins épris de liberté médicale. Ceux-là même dont les valeurs de travail, de responsabilité, de courage, de dévouement, de doute ne peuvent se satisfaire d’une médecine guidée, subventionnée, encadrée jusqu’à l’enfermement.
L’Ordre national, par le biais de son président Michel Legmann, dénonce, point par point les articles de la convention médicale signée par les syndicats de médecins dans leur ensemble hormis l’UCDF et, lance peut-être les prémices des premiers combats contre une médecine par trop administrée. Qui mieux que l’Ordre pouvait prendre telle position ? L’Ordre, contrairement aux syndicats de médecins, est libre de ses positions puisque financé par nous tous. Libre et responsable. L’Ordre, contrairement aux syndicats, n’a pas de déclaration publique d’intérêt à publier, sa signature ou ses prises de positions ne sont en rien financées par l’État. L’Ordre est donc libre, et cette instance tant décriée pour son conservatisme ou son dogmatisme, est là à sa vraie place, là où nous n’osions plus l’attendre.
Non, il ne faut pas désespérer, d’autres voix, commencent également à s’élever pour dénoncer un système devenu fou, que ces voix entrent en résonance, et demain peut-être pourrons-nous sauver la médecine à la Française.
Le Pharo : un gâchis inouï !
MOISSAC (82)
Dr YVES PIRAME
Ancien du Pharo, et même grand ancien (promotion 1955), je désirerais renchérir sur mon jeune camarade, le médecin général inspecteur Francis Klotz (« le Quotidien des lecteurs » du 10 octobre).
J’étais aux 17es Actualités du Pharo pour la dernière édition. Partagé entre une immense tristesse et la rage d’un gâchis inouï. Ainsi au prétexte de misérables économies, alors qu’il y a tant d’argent pour les tonneaux des Danaïdes de clientélismes qu’il ne faut pas nommer, il se sera trouvé des responsables français pour rayer de nos atouts un tel patrimoine !
Il est devenu de bon ton de décrier l’action de la France outre-mer, le psittacisme anti-colonial n’épargnant même pas maintenant nos savants et nos médecins. Mais avant sa disparition, il faut rappeler une ultime fois que l’Institut de Médecine Tropicale du Service de Santé des Armées, dont la liquidation honteuse n’est plus qu’une question de mois, est l’héritier de la glorieuse École d’Application du Service de Santé des Troupes Coloniales qui ouvre en 1905 à Marseille dans le quartier du Pharo. De là le nom sous lequel elle sera en son temps universellement connue.
À la fin du XIXe siècle l’expansion coloniale de la France s’accompagne d’une action médicale ambitieuse, assignée à partir de 1890 à un corps civil de santé des colonies. Les difficultés de sa gestion entraîneront sa militarisation et son rattachement aux Troupes coloniales dont il devenait en 1903 le service de santé. La prise en considération des conditions particulières de l’exercice outre-mer conduisit à mettre en place un enseignement pratique approprié. Ce fut à Marseille. Le 1er février 1907, l’École d’application du service de santé des Troupes Coloniale accueillit sa première promotion de 42 médecins et 4 pharmaciens. Suivront des milliers de praticiens qui seront les artisans du développement sanitaire que vont trouver les États devenus indépendants.
Lorsque j’ai quitté le corps en 1976, la France avait les moyens d’envoyer à travers le vaste monde 800 des nôtres, et des centaines de VSN et de VAT. De nos jours pratiquement plus personne. Les armées ne sont plus le vivier des tropicalistes de terrain qui faisaient le succès de l’enseignement dispensé au Pharo.
Et pourtant, existe-t-il un autre exemple d’un fléau millénaire dont les vainqueurs avaient la même et unique origine, comme ce fut le cas de la peste avec Alexandre Yersin pour la découverte du bacille, Paul-Louis Simond pour la transmission par la puce, Georges Girard et Jean-Marie Robic pour le premier vaccin ? Ils étaient tous les quatre des médecins des Troupes Coloniales. Pas un Prix Nobel pour aucun de cette phalange bienfaitrice de l’humanité. Il est vrai que le médecin militaire Alphonse Laveran avait déjà été en 1907 le premier Français à le recevoir pour sa découverte de l’hématozoaire du paludisme, le 6 novembre 1880, dans le sang d’un fiévreux à l’hôpital de Constantine en Algérie.
Comme l’écrivait le premier doyen de la jeune faculté de médecine de Dakar, le Professeur Maurice Payet, il y a bien longtemps : « Qui a fait mieux, et où ? »
Au train où ceux qui sont aux affaires se débarrassent de l’héritage colonial, conservera-t-on au moins les noms de Paul-Louis Simond et d’Eugène Jamot, le pionnier légendaire de la lutte contre la maladie du sommeil, aux allées menant aux bâtiments historiques de l’ancienne École d’Application ?
Après la fermeture de l’École de Santé Navale, la France persiste et signe.
On marche sur la tête
CHAZAY-D’AZERGUES (69)
Dr JEAN-PIERRE MICOLLE
Dans la série « On marche sur la tête », l’histoire suivante vaut son pesant de comprimés génériqués :
Ce patient hypertendu et tachycarde était bien contrôlé avec 10 mg de DETENSIEL (BISOPROLOL). Au fil des ans j’ai pu réduire la posologie à 5 mg avec toujours un bon résultat. Soucieux d’utiliser la plus petite dose efficace et ne pouvant pas couper le comprimé en quatre je lui prescris du CARDENSIEL 2,5 mg (BISOPROLOL) qui au passage coûte 10 fois plus cher au mg !
Refus du pharmacien, pour qui cette prescription est réservée en première intention au cardiologue. Cette réglementation est stupide ; ses conséquences sont vexatoires pour les 60 000 médecins généralistes de notre pays.
Notre qualification de spécialiste en médecine générale ne serait-elle qu’une distinction de papier ? Nous qui manipulons tous les jours des médicaments aussi dangereux que les AVK, nous qui prenons en charge les OAP ou les infarctus a la phase aiguë (ce que ne fait plus un cardiologue de ville) nous n’avons pas le droit :
1) de prescrire de l’oxygène dans les algies vasculaires de la face,
2) de prescrire un corset rigide,
3) de prescrire des injections intracaverneuses,
4) de prescrire last et malheureusement not least du RIVOTRIL dans des douleurs neuropathiques…
Dans le même temps certains ORL prescrivent des benzodiazépines dont nous devrons assumer le sevrage…, des gynécologues prescrivent une statine alors que le niveau du LDL par rapport au facteur de risque cardio-vasculaire ne le justifie pas et des endocrinologues traitaient les diabétiques avec du MEDIATOR ! Je n’ai pas envie d’allumer une guerre MG versus spécialistes je veux juste être RES… PEC… TÉ !
Très chère… ASV
MEULAN-EN-YVELINES (78)
Dr BERNARD CONTARD
L’adoption d’un protocole, dit de « solidarité intergénérationnelle », qui permettrait de sauver, pour un temps, l’ASV en impliquant tous les médecins, actifs et retraités, me scandalise.
L’absence de réaction des confrères me surprend. Seraient-ils résignés ou non informés ? Les tractations se font dans la discrétion. Seul « le Quotidien du Médecin » en a rendu compte. La CARMF n’a pas communiqué pour l’instant.
Un référendum organisé il y a quelques années par la CARMF permettait de conclure qu’une majorité de confrères étaient favorables à une fermeture de l’ASV. Les syndicats sont donc opposés à l’avis de leurs confrères et préfèrent les entraîner dans l’aventure de la solidarité intergénération dont l’échéance est pour les actifs, une augmentation non négligeable des cotisations (qui restent déductibles), des points de retraite, ainsi que des honoraires liés à leur travail.
Pour les retraités par contre, la solidarité s’exprime par une baisse pure et simple de leurs revenus de par la ponction de leur pension.
C’est injuste, cela ressemble à un marché de dupes !
Ensemble, exprimons notre refus d’une telle injustice.
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