L'assureur Branchet a présenté ce jeudi sa cartographie des risques opératoires 2021, premier état des lieux de la fréquence des mises en cause sous l’effet de la pandémie.
Selon l’assureur – spécialiste de la RC médicale des praticiens sur plateaux techniques lourds (7 000 médecins libéraux couverts) –, les répercussions de la crise sanitaire sur la responsabilité médicale « pourraient se faire sentir pendant de nombreuses années », qu'il s'agisse du nombre ou de la nature des réclamations. Et ce alors que la tendance du volume des sinistres chez les praticiens du bloc opératoire était pourtant à la baisse ces dernières années.
Une baisse des mises en cause mais…
Premier enseignement, même s’il est trop tôt pour voir l’impact de la pandémie sur les risques opératoires, la baisse générale de la fréquence de réclamation moyenne s’est accentuée en période Covid : -15 % entre 2018 et 2019, -10 % à nouveau entre 2019 et 2020 pour s'établir à la « valeur historiquement basse » de 22 % à fin 2020 (indice de fréquence de mise en cause à l'encontre des praticiens de bloc).
L’arrêt des activités opératoires à l'occasion des confinements, et donc la diminution du volume d'actes, a eu un effet baissier automatique. L’année dernière a connu « trois mois d’arrêt des blocs opératoires, avec parfois des baisses d’activité de 70 % et un arrêt presque complet des CCI [commissions de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux] », a illustré ce jeudi Philippe Auzimour, directeur général de Branchet, en présentant cette cartographie des risques.
La baisse de sinistralité concerne « la plupart des spécialités », en particulier les spécialités fonctionnelles : rachis, orthopédie, bariatrique, anesthésie-réanimation. Mais cette baisse des sinistres ne touche pas la chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, maxillo-faciale, ORL, la chirurgie urologique, la gynécologie-obstétrique et la gynécologie, où « les comportements et les attentes des patients peuvent différer d’un soin plus vital », précise l'assureur.
Pathologies associées au coronavirus
Ce qui inquiète davantage Branchet, ce sont les conséquences encore peu lisibles de la pandémie.
Outre l'allongement du délai moyen de réclamation (qui risque d'aboutir à des mises en cause sur plusieurs années), la contamination au coronavirus est devenue dès 2021 l’une des causes principales des infections nosocomiales. L’entreprise note à cet égard que « l’engagement de la responsabilité des établissements sera alourdi et la pandémie aura des effets mesurables sur l’activité des instances de couvertures du risque médical ». Et d’ajouter que, selon les chiffres des contrats prévoyance des médecins, les pathologies associées au coronavirus ont représenté « près de 76 % de la totalité de leurs indemnités journalières » en 2020.
Autre tendance : l’augmentation du coût moyen des indemnisations, une croissance jugée « structurelle » par Philippe Auzimour car « elle suit l’augmentation des coûts des soins » (4 % par an, selon les experts). Une inflation qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la France.
Cette hausse des indemnisations peut être également attribuée à la sévérité accrue des juges (la MACSF fait la même observation depuis des années), « notamment sur les très gros préjudices comme le déficit fonctionnel », a précisé Philippe Auzimour. Le DG de Branchet pointe du doigt l’augmentation des barèmes (cours d’appel et barème de capitalisation de la Gazette du Palais) pouvant aller jusqu'à 20 % des préjudices les plus importants.
Risque cyber, tension sur les RH et burn-out
Comme la MACSF, Branchet relève l’émergence de nouveaux risques en période de crise (déprogrammations et perte de chance, contaminations Covid, téléconsultations). L'assureur pointe aussi la hausse des attaques informatiques contre les établissements de soins (et par ricochet les praticiens), multipliées par quatre. « Les gens qui attaquent se sont rendu compte que les données de santé valaient plus cher qu’un numéro de carte bleue », avance Philippe Auzimour. En revanche, contrairement aux craintes, le taux de mises en cause consécutives à un acte chirurgical en ambulatoire reste stable dans le portefeuille Branchet (autour de 17 %).
La « tension colossale sur les ressources humaines » apparaît aussi dans la catégorie des risques accus. « On voit des praticiens qui n’ont pas les infirmières pour opérer, qui manquent de personnel, ça nous met en surrisque par rapport à leurs responsabilités civiles vis-à-vis des patients », observe le DG de Branchet. Des praticiens contactent ainsi leur assureur car il n’y a « plus de blocs », parce que des opérations ont été « déprogrammées » ou qu’ils ont été les « victimes de restructurations ». « On a eu cinq fois plus d’appels que d’habitude sur ce type de sujets, cela nous préoccupe », souligne-t-il.
Dans ce contexte, le burn-out est devenu un risque majeur pour les équipes opératoires. Les cas explosent notamment parce que la charge mentale devient ingérable, que cela soit sous le plan relationnel, administratif ou professionnel. Or, , rappelle Branchet, « un soignant présentant des symptômes de burn-out voit sa qualité de soins diminuer avec un risque augmenté d’erreur médicale ».
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