Il n’y a pas qu’en France que le fardeau administratif empoisonne l’exercice professionnel. Dans un rapport publié fin janvier à l’occasion de la « Semaine de la sensibilisation à la paperasserie », la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui regroupe les libéraux et les PME, s’alarme de ce phénomène. Selon cette estimation, chaque médecin canadien consacrerait plus d’une journée par semaine (10,6 heures) à du travail administratif : rapports médicaux, formulaires et certificats médicaux, certification, permis, gestion du cabinet et des calendriers et participation à des réunions administratives.
Si une grande majorité de ces tâches sont nécessaires, il n’en reste pas moins que près de 38 % d’entre elles sont considérées comme superflues par les intéressés et pourraient être soit déléguées (24 % des tâches), soit carrément supprimées (14 %).
L'équivalent de 7 052 médecins supplémentaires
La FCEI a fait ses calculs. Ce temps perdu équivaut, selon ses estimations, à 55,6 millions de consultations perdues. « Le gain de temps qui serait réalisé si les médecins étaient libérés de la paperasserie équivaudrait à l’ajout de 7 052 médecins au système de santé canadien (ou à une croissance de 7,5 % des effectifs) », écrivent les auteurs de ce rapport, en rappelant que le Canada comptait 93 998 médecins en 2021.
Ces chiffres ont été établis à partir d’une enquête menée en 2019 auprès de plus de 500 médecins exerçant dans la province canadienne de la Nouvelle-Écosse et publiée en 2020. Les résultats ont été extrapolés à l’ensemble du pays. S’ils sont à prendre avec des pincettes, il apparaît néanmoins que le fardeau administratif qui pèse sur les médecins canadiens a une incidence sur les soins aux patients. La Nouvelle-Écosse s’est ainsi fixée pour objectif de le réduire d’au moins 10 % en simplifiant les formulaires redondants ou trop complexes, en améliorant les processus et en déchargeant les médecins de certaines tâches confiées à d’autres personnels.
Réduire la fatigue et l'épuisement professionnel
Cette réduction permettrait de gagner l’équivalent de 5,5 millions de consultations. Et ce n’est pas le seul gain attendu. « Cet allègement modéré de la paperasserie contribuerait aussi à réduire la fatigue et l’épuisement professionnel chez les médecins », écrivent les auteurs de ce rapport. Un point important alors que de nombreux professionnels sont aujourd’hui en situation de quasi burn out.
En France, les médecins alertent depuis longtemps sur l’ampleur des tâches administratives qui embolisent leurs cabinets et réduisent le temps dédié aux soins dans un contexte de pénurie médicale. Il y a quelques semaines, un collectif de professionnels alertait une nouvelle fois les pouvoirs publics à ce sujet en proposant de supprimer purement et simplement sept actes administratifs jugés « inutiles, stupides ou insultants », comme les certificats d’absence pour enfant malade, les arrêts de travail courts ou encore les prescriptions médicales de transport.
« Un choc de simplification », expliquaient-ils, qui permettrait de libérer « des centaines de milliers de créneaux de consultation de médecine générale par jour en France ». Aux législateurs de se saisir de la question, avançaient ces médecins.
Lire le rapport « Les patients avant la paperasse » (PDF)
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique