Un patient originaire de Côte d’Ivoire, d’ethnie Djoula, victime d’un accident de voiture en 1999 dans son pays, a été amputé d’un bras en France. Il était suivi depuis 2005 au CETD (centre d’évaluation et de traitement de la douleur) de la fondation ophtalmologique Rothschild, à Paris, pour des douleurs du membre fantôme. « Il ne parlait pas de rentrer en Côte d’Ivoire où il était pourtant inscrit en faculté de droit, sans pour autant planifier de projet de vie ici », raconte le Dr Anne Margot-Duclot, qui dirige le CETD. « Il se plaignait peu de ses douleurs mais continuait à venir nous voir. Il nous faisait visiblement confiance mais parlait de manière récurrente de cauchemars qui le perturbaient sans pour autant accepter une orientation vers le psychiatre. »
Le Dr Margot-Duclot a fait appel à l’unité mobile, qui a organisé une consultation interculturelle. « Au bout de cinq minutes, il a lâché le fait qu’il pensait être victime de sorcellerie », se souvient le Dr Bouznah, qui a créé la consultation interculturelle. « La nuit, il voyait un chat noir qui venait lui manger le bras. Les mauvais esprits, nous racontait-il. En déroulant avec le patient son histoire familiale, nous avons compris que son père et son oncle étaient dans un grave conflit. Et la meilleure façon de nuire à quelqu’un là-bas est d’attaquer sa progéniture. Le patient et son père ont vite conclu que l’accident étaut la conséquence du conflit familial. C’est alors que son père, homme influent dans son pays, l’a envoyé en France pour le protéger de l’attaque sorcière. Il est intéressant de voir la pluralité des interprétations. Pour le patient, l’accident de voiture ne prenait son sens que référé à l’acte de sorcellerie, dirigé de fait contre son père. Car dans ces systèmes d’interprétation, en Afrique de l’Ouest, tout événement dramatique, un accident, la maladie ou la perte d’un emploi attire une interprétation exogène qui implique non seulement le sujet mais également le groupe familial élargi. »
Une seule consultation a suffi chez ce patient pour que ses cauchemars prennent fin et qu’il décide de rentrer au pays pour régler le conflit familial. D’ailleurs, selon une étude interne menée en 2003, dans 40 % des cas reçus par la consultation interculturelle, le médecin référent hospitalier a modifié sa stratégie thérapeutique après l’intervention de l’unité mobile. « Ce n’est pas une consultation psychothérapeutique, insiste le Dr Bouznah. Mais l’idée centrale est d’impliquer activement le patient dans la recherche d’une solution. »
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