Sur les quelque 100 000 applications santé disponibles au sein des « stores » français de téléchargement mobiles, à peine une centaine bénéficierait de la qualification « dispositif médical ».
Dès lors, quand un patient demande conseil à son médecin pour être orienté vers telle ou telle application, « c’est compliqué », résume le Dr Vincent Perez, omnipraticien qui anime le blogdelasante.com.
S’il reconnaît certaines vertus au « quantified self » (des applications parfois doublées d’objets connectés incitent le patient à surveiller davantage des paramètres d’hygiène de vie, comme le poids ou le niveau d’activité physique), l’usage médicalisé d’autres solutions mobiles pose rapidement problème. « Quand il s’agit d’aller plus loin, de surveiller une tension, une pathologie médicale, en tant que médecin, on n’est pas forcément à l’aise », indique-t-il.
Dans le champ des objets santé connectés, un patient pourra avoir un usage très différent d’un appareil et de son capteur selon qu'il s’inscrive dans une démarche « fitness », de prévention ou de soins. « Selon les cas, la façon dont on récupère les données n’a plus rien à voir au niveau de leur analyse », observe le Dr Nicolas Postel-Vinay, praticien à l’unité d’hypertension artérielle à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) et responsable du site automesure.com.
En fonction du type d’objet connecté, la qualité du capteur s’avère disparate. Plutôt correcte s’agissant des tensiomètres, la fiabilité est en revanche « beaucoup plus douteuse » pour les oxymètres de pouls.
Failles technologiques
Quel que soit le type de dispositif se pose la question de la qualité des algorithmes des applications qui traitent et interprètent les données mesurées. Ainsi, « tous les tensiomètres connectés embarquent des algorithmes faux car ils se trompent de normes et ne respectent pas les critères adéquats de l’automesure à domicile », assure le Dr Postel-Vinay.
Dans l’environnement hétérogène des solutions e-santé sortant du cadre « DM », conseiller un patient peut donc relever du casse-tête pour le médecin. C’est pourquoi Me Pierre Desmarais, avocat spécialisé en e-santé et télémedecine, recommande la plus grande prudence aux praticiens. « Aujourd’hui, le médecin n’a pas la capacité ni le pouvoir juridique de prescrire des applications de santé mobile, des objets connectés qui ne soient pas des dispositifs médicaux », rappelle-t-il.
Sphère de confiance
Sur ces bases fragiles, « un médecin qui prescrirait des applications de santé mobile, et qui inciterait à leur utilisation, engagerait sa responsabilité civile s’il y avait un préjudice pour le patient, mais également sa responsabilité déontologique pour avoir exposé son patient à un risque injustifié en lui proposant quelque chose d’insuffisamment éprouvé », expose l’avocat.
En pratique, dans une démarche de conseil « e-santé » en consultation, le Dr Vincent Perez recommande aux médecins d’orienter leurs patients vers des solutions labélisées par des organismes privés, tels Medappcare ou Dmd Santé.
Responsable des affaires réglementaires au SNITEM (Syndicat national de l'industrie des technologies médicales), Florence Ollé prône un effort de pédagogie auprès du grand public et des professionnels sur ce qui relève du dispositif médical ou non.
L'avocat Pierre Desmarais estime que les pouvoirs publics eux-mêmes doivent maintenant créer une « sphère de confiance » autour de ces solutions (applis de santé et objets connectés) « pour que le médecin puisse prescrire, conseiller et le pharmacien, dispenser, recommander », sans épée de Damoclès.
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre
Mélanie Heard (Terra Nova) : « Une adhésion massive des femmes à Kamala Harris pour le droit à l’avortement »
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique