LE QUOTIDIEN - Quelle réponse faites-vous à la demande des URML ?
Pr DIDIER HOUSSIN - Nous ne pouvons que nous féliciter de l’importance que les médecins libéraux accordent à la vaccination contre la grippe A(H1N1). Elle représente en effet un dispositif efficace et susceptible de jouer un rôle protecteur pour une grande partie de la population française. Bien sûr, la question des modalités de la vaccination a fait l’objet de réflexions et d’études approfondies depuis plusieurs mois. Notre premier mouvement avait été de nous en remettre aux médecins libéraux, sur le modèle de la vaccination contre la grippe saisonnière, qu’ils assurent chaque année dans les meilleures conditions. Mais nous avons vite pris conscience qu’une série de contraintes majeures nous imposent un autre mode d’organisation.
NOUS SOMMES DANS UNE COURSE CONTRE LA MONTRE
La présentation en flacons multidoses a-t-elle été décisive ?
Ce mode de conditionnement impose en effet de vacciner un minimum de personnes dans un laps de temps relativement limité. Mais toute une série d’autres arguments doivent aussi être pris en compte :
– Les incertitudes du calendrier de livraison des vaccins par les fabricants. De manière à organiser la campagne la plus rapide possible, cela nous a conduits, de manière quasiment automatique, à faire le choix d’une vaccination collective. C’est la décision qu’ont adoptée, en vertu des mêmes raisons, une bonne vingtaine des pays européens, sur les 27 compte l’UE.
– La dissémination des cabinets libéraux à travers le territoire. Acheminer des doses vaccinales vers des dizaines de milliers de points de vaccination aurait posé trop de difficultés pratiques.
– Les impératifs de sécurité sanitaire, en particulier la préservation de la chaîne du froid.
– La charge administrative inhérente aux obligations de traçabilité. Il nous a paru difficile d’aggraver le nombre des procédures qui incombent déjà les cabinets médicaux, avec les documents de consentement, les bons de vaccination gratuite, les éléments de traçabilité du fabricant.
– La répartition en groupes prioritaires. Compte tenu des livraisons échelonnées dans le temps, nous avons dû organiser des priorités avec plusieurs groupes, selon les facteurs de risques. Un médecin qui ouvre sa consultation serait en situation très difficile pour effectuer un tri prioritaire. Si une personne dépourvue de bon se présente à un centre de vaccination collectif, toute une procédure est prévue pour analyser et traiter son cas. Par exemple, pour les personnes qui demanderont à être vaccinées prioritairement au motif qu’elles ont un nourrisson dans leur entourage, un dialogue devra s’instaurer en vue des vérifications et nous n’avons pas voulu faire supporter de telles investigations de la part d’un médecin libéral.
– Les nécessités de mener conjointement les activités de soins en phase épidémique et les opérations vaccinales. C’est d’ailleurs la situation qui est en train de se dessiner.
Justement, les URML s’inquiètent à ce sujet de mesures de réquisitions fermes pour la vaccination dans les centres. Elles les contraindraient, craignent-ils, à fermer leurs cabinets et les patients grippés trouveraient porte close.
Il faut rappeler que la réquisition peut être volontaire, quand les praticiens décident spontanément d’aller aider les centres de vaccination ; ils sont alors considérés comme réquisitionnés pour bénéficier des garanties assurantielles et juridiques. La réquisition est ferme lorsque des médecins sont appelés par les préfets et mis dans l’obligation administrative de rejoindre des centres de vaccination. Ce type de réquisition devrait être exceptionnel.
LA RÉQUISITION FERME DEVRAIT ÊTRE EXCEPTIONNELLE
Certaines régions y sont-elles plus exposées ?
Il est difficile de se prononcer actuellement. Mais, avant les libéraux, toute une série de médecins salariés et fonctionnaires seront tout d’abord appelés. Si l’on a besoin des libéraux pour assurer des activités de soins en période épidémique, il serait absurde de déshabiller Jean pour habiller Paul ! J’appellerai l’attention des préfets sur ce point. La dernière réunion de l’ensemble des équipes opérationnelles départementales nous a montré que les réquisitions fermes seront ultraminoritaires.
Ne craignez-vous pas, en ne donnant pas suite à la proposition des URML, de susciter un découragement chez les libéraux comme on l’observe en Île de France (voir encadré), et même des réactions d’opposition, comme à la Réunion ?
Depuis que la ministre a élargi la prise en charge au secteur ambulatoire, en juillet, c’est vraiment la médecine libérale qui est en première ligne sur le front épidémique. Elle assume un rôle capital dans la bonne mise en uvre des soins, en particulier par la prescription précoce des antiviraux quand les signes font craindre une grippe sévère. Un bilan de surveillance des cas graves montre qu’il est crucial que la prescription des antiviraux soit effectuée au plus tôt dans les 48 premières heures suivant l’apparition des symptômes (lire encadré).
En ce qui concerne la situation particulière réunionnaise, nous avons sollicité le Haut Conseil de santé publique ; il juge qu’il n’y a pas de raison de priver les populations du sud de la protection vaccinale. Chacun sait que le virus reviendra dans ces régions et que leurs habitants voyagent.
Un sondage réalisé par MG France et la CMH montre que des médecins continuent à s’interroger sur l’innocuité du vaccin. Que leur répondez-vous ?
Il faut redire que ces vaccins ont fait l’objet d’une évaluation, d’un contrôle de sécurité, de qualité pharmaceutique et du processus de production. Des essais cliniques avaient même été réalisés dès la préparation de la pandémie grippale H5N1, donc le travail d’évaluation, d’une certaine manière, a été plus long que pour l’élaboration des vaccins contre la grippe saisonnière. Ils ont bénéficié d’une AMM et toutes les informations ont été fournies sur les adjuvants et conservateurs. Aujourd’hui, penser que le vaccin serait plus dangereux que le virus, c’est donc ne pas voir la réalité.
Je tiens à souligner que nous sommes dans une course contre la montre. Nous ne disposons du vaccin qu’en petites quantités, nous allons engager la semaine prochaine une vaccination à plus grande échelle. L’épidémie est là. Certains vont être malades avant d’avoir pu être vaccinés. Ils doivent être traités au mieux.
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