« EN GÉNÉRAL, les médecins français (mais aussi européens) ne sont pas intéressés, en priorité, par la thérapeutique. Ils sont beaucoup plus intéressés par le diagnostic. Il y a globalement un déséquilibre temporel entre le temps consacré à établir un diagnostic différentiel et le temps consacré à la thérapeutique », constate le Dr Gilles Errieau. « Et bien entendu, cela se ressent dans la compliance des patients, le suivi de la prescription et des recommandations que nous leur faisons. »
Pour une meilleure observance il faudrait commencer par donner un vrai statut prioritaire à la prescription, cela veut dire passer du temps à expliquer l’ordonnance. Il n’y a rien d’anormal à devoir être redondant car le patient oublie. Il faut dire, et redire…
Les comportements de mauvaise observance sont généralement liés à une information médicale insuffisante ou insuffisamment intégrée.
Le message verbal d’une consultation est vite oublié d’où l’intérêt d’une information complète et adaptée au patient, au mieux accompagnée de la remise d’un support écrit.
La conviction du médecin.
« Avant d’accuser le patient de ne pas être observant, il faut commencer par s’interroger… Cela n’est peut-être pas une priorité pour les médecins… Les patients perçoivent très bien le degré de conviction que nous avons par rapport aux conseils que nous leur donnons », ajoute le Dr Gilles Errieau.
L’information doit porter sur les bénéfices thérapeutiques, mais aussi sur les effets secondaires. La compréhension de la maladie et du traitement entraîne une meilleure adhésion.
Il faut sans inquiéter le patient, lui détailler les effets secondaires les plus fréquents, lui expliquer comment les gérer et lui dire qu’ils vont s’estomper.
« Surtout chez un patient dépressif, anxieux sous antidépresseur, si l’on ne veut pas qu’il arrête le traitement, il est nécessaire de préciser que les effets positifs sont décalés dans le temps… Le patient peut très bien affronter les effets secondaires désagréables d’un médicament, s’il est prévenu. Un autre point important est de repérer chez nos patients, ceux qui sont particulièrement inquiets et qui peuvent être sensibles à la lecture de la notice. Il faut alors bien leur préciser que tous les effets indésirables doivent y figurer, y compris les effets rarissimes qui ne les concernent pas… Un exemple classique est celui de l’hypertension. Le malade est quasi asymptomatique et pour le soigner, on lui donne un traitement qui présente des effets secondaires indésirables. C’est un contrat pas facile à négocier avec un patient. Il faut passer du temps », explique le Dr Gilles Errieau.
Une communication claire, ouverte entre le malade et le médecin est essentielle pour obtenir de bons résultats.
Pour le patient, elle réduit l’anxiété et l’incertitude et augmente l’adhésion au traitement. La relation humaine, psychologique par rapport à l’acte de prescription conditionne l’observance.
« Les patients chroniques ont beaucoup de mal à être observants car c’est embêtant d’être malade et prendre des médicaments sur le long cours c’est aliénant », poursuit le Dr Gilles Errieau.
Le traitement est le symbole de la maladie. Ne pas prendre le traitement c’est une façon d’éviter l’aliénation, une façon de nier la maladie…
Le challenge est d’aider les patients à se soigner efficacement et faire en sorte que la maladie et le traitement ne les aliène pas trop.
« Dans certains cas, il n’est pas illégitime, en accord avec le patient, de lui proposer un soutien psychologique pour briser ses blocages et le rendre observant », précise le Dr Gilles Errieau.
Soigner et enseigner sont deux choses différentes.
« Je crois à l’éducation thérapeutique sur le mode collectif avec un partage d’expériences, une appropriation de la problématique avec un sentiment d’appartenance à une communauté. Les personnes qui animent les séances d’éducation thérapeutique sont parfois plus efficaces que les médecins.
Pour les médecins, soigner les patients ce n’est pas la même chose qu’enseigner. Soigner ce n’est pas une relation d’influence comme celle d’enseigner. Autant, je pense qu’il faut revitaliser la démarche de prescription, lui accorder le soin et le temps qu’elle mérite. Autant, je suis contre le fait que les médecins deviennent des professeurs de santé et enseignent », conclut le Dr Gilles Errieau.
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