Le quotidien des lecteurs

Principe de précaution et coût de la peur, prix du courage.

Publié le 10/05/2010
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Crédit photo : S TOUBON

Paris

Dr Laurent Sedel

Opérer un malade, piloter un avion, gérer une épidémie de grippe, demande quelques qualités : savoir le faire, oser le faire, en connaître les risques et les accepter.

La gestion récente de quelques catastrophes supposées ou réelles nous apprend le coût de la peur, lorsqu’on n’écoute pas les professionnels compétents, que l’on refuse la notion même de fatalité, croyant que tout est sous contrôle. Ah l’idéologie du zéro défaut, de la protection assurantielle tous azimuts, rejoignant les fantasmes des guerres sans morts, ou des formules à panaches : « terroriser les terroristes ». La peur du juge, du prix à payer pour une erreur peut entraîner nos sociétés vers une catastrophe moins visible mais bien plus inquiétante. C’est déjà le prix de la « défensive médecine » quand on donne un médicament ou que l’on prescrit un examen uniquement dans le but de se couvrir légalement, c’est le prix d’arrêter tout trafic aérien quand les cardiologues ou les chirurgiens sont bloqués ailleurs et ne peuvent donc venir opérer leurs patients. Sans parler des pertes financières majeures subies par toute la population en cette période de chômage. Les seuls bénéficiaires en sont les politiques enfin visibles, les journalistes instrumentalisant les peurs et les sociétés d’assurances qui peuvent ainsi justifier l’augmentation de leurs primes. Pour les autres c’est une catastrophe. Alors essayons de remettre un peu de courage dans nos fonctionnements, y compris celui d’accepter de se tromper.

Sétif (Algérie)

Dr Leila Benyoucef

Manque de politesse

À propos du voile : je suis médecin (très) musulman et pour la laïcité (totale). Je déteste voir une croix sur une poitrine, une kippa, et naturellement toute sorte de voile. C’est-à-dire que tout signe vestimentaire ou autre qui dé (voile) votre religion est pour moi interdit et lorsque vous portez le voile intégral je trouve ça comme un manque de politesse !

Carvin (62)

Dr Jérôme van Langermeersch

Ces MG qui n’arrêtent pas de gémir...

Je suis choqué par la façon dont votre journal traite de la situation des médecins généralistes libéraux (MGL). Pas un jour sans rapporter leurs gémissements, leurs geignements, leurs « angoisses » Il s’agit pourtant d’une « caste » très privilégiée, et une des plus aimées des Français ! Vous signaliez déjà un « très bon millésime 2 007 » pour le MGL (« Le Quotidien du Médecin » 15 juin 2009). (Votre article m’avait scandalisé…). Ils perçoivent aujourd’hui en moyenne « 6 510 euros par mois, avant cotisations sociales ». Même après cotisations, il doit en rester pas mal… De toute façon, ils font partie des riches, et vont le devenir encore plus avec la consultation à 23 euros. Les jérémiades incessantes de certains d’entre eux sont donc tout simplement indécentes. De plus, « ils peuvent dire merci à notre système de sécurité sociale qui garantit la stabilité de leurs revenus ».

Je suis médecin salarié, mes revenus sont loin d’atteindre ces chiffres et je me considère déjà parmi les plus chanceux… J’ai exercé en libéral comme remplaçant. Je trouve que ce métier est un des plus beaux qui soient. J’ai travaillé et travaille encore dans des champs très variés notamment humanitaires, un peu partout dans le monde, confronté à toutes les misères d’icelui… Et ces remplacements comptent parmi mes expériences les plus marquantes. Et j’ai beaucoup d’amis et collègues MGL, la plupart passionnés par leur boulot. Mais le paiement à l’acte est un système pervers : il fait du MGL, qu’il le veuille ou non, un commerçant. Ce n’est pas une bonne idée de vouloir à tous crins maintenir ce système, en voie de perdition. C’est comme si, voyant le Titanic coupé en deux s’effondrer, on s’évertuait seulement à essayer de le remonter, sans s’occuper de sauver les gens… (En l’occurrence les médecins, mais surtout leurs patients). Si on le supprimait, peut-être que les MG devraient alors accepter une baisse substantielle de leurs revenus. Si ceux-ci étaient amputés par exemple d’un tiers, cela resterait très confortable !

Dr Jean Hvostoff

C à 23 euros, CS, déserts médicaux, CAPI ! On se moque des médecins !

Le « C » (consultation) à 23 euros ! Promis depuis juillet 2007 lors de la signature de la convention médicale avec le gouvernement et la Cnam, mais reporté depuis régulièrement (tous les 3 à 4 mois) par le gouvernement jusqu’à ce jour. Encore une nouvelle déclaration officielle, mais cette fois Élyséenne : le « C » passera à 23 euros le 1er janvier 2011. Quel médecin peut encore y croire ? Surtout quand M. Fragonard confirme au Quotidien du médecin que « la date du 1er janvier 2011 tient compte des délais de six mois (du fait des stabilisateurs économiques) ». Le mois d’avril étant le 4e mois de l’année si on rajoute 6 nous obtenons mathématiquement 10. Le 10e mois de l’année 2010 est le mois d’octobre et non le mois de janvier 2011. Avec des quiproquos de calcul de cette importance, les médecins auront-ils un jour un « C » à 23 euros ?

Le « CS » pour le médecin généraliste ayant demandé leur spécialité de médecine générale ! Mais le « CS » (consultation spécialisée) n’est qu’une terminologie accordée par le gouvernement pour amadouer les médecins généralistes, il n’a jamais été stipulé qu’il soit coté au tarif des médecins spécialistes. La Cour de Cassation l’a bien confirmé puisqu’elle a dénié ce droit de coter CS aux médecins généralistes. Le « CS » n’est qu’un miroir aux alouettes gobé par un grand nombre de médecins généralistes. À partir du 1er janvier 2011, promis, juré, Messieurs les médecins généralistes spécialistes de médecine générale vous aurez le droit de coter « CS » mais à 23 euros, comme le « C » du médecin généraliste qui n’a pas encore demandé ce titre pompeux de spécialiste de médecine générale.

Les déserts médicaux ? Pourquoi en faire de si gros titres puisqu’ils ont été programmés depuis plusieurs années par les différents gouvernements qui ont délibérément diminué le nombre d’étudiants en médecine. Le gouvernement ne continue-t-il pas d’appliquer cet axiome « en diminuant le nombre des médecins on diminuera le nombre de malades » qui date du temps où Édith Cresson était premier Ministre. Cet axiome est-il remis en question actuellement ? Une augmentation réelle du nombre de médecins est-elle prévue pour dans dix ans ? Rien ne l’indique ! Déjà certains départements sont considérés en sous-effectif de médecins généralistes (destin de tous les départements Français puisque, dans 10 ans, il est prévu 20 000 à 30 000 médecins généraliste de moins ?). On y propose des plans anti-pénurie en essayant d’attirer le jeune médecin par des bourses ou autres avantages, tout en voulant ignorer que le nombre de médecins étant volontairement limité, il est mathématiquement impossible de contenter tous les départements.

Le médecin généraliste deviendra-t-il une valeur marchande de plus en plus onéreuse, que seuls les départements ou communes riches pourront s’offrir ? Ou l’État profitera-t-il de cette situation pour étatiser la médecine générale sous le prétexte de l’égalité des soins pour tous ?

Mais c’est vrai, j’oubliais la filière roumaine ! Il existe des jeunes Français qui, ayant été recalés au concours d’entrée en médecine en France du fait de la limitation drastique des places instituée par le gouvernement, font leurs études de médecine en Roumanie. Et ces étudiants futurs médecins, refusés dans les facultés de médecine en France, ne veut-on pas maintenant les attirer par des « avantages » à venir exercer en France ! Mais alors pourquoi leur avoir interdit de faire leurs études en France ?

Quant au CAPI (Contrat d’Amélioration des Pratiques Individuelles) : ce n’est qu’une question de gros sous, mais gros sous pour les industries du générique et non pour la Sécurité sociale. N’a-t-on pas refusé d’imposer le TFR (Tarif Forfaitaire de Responsabilité), plus efficace pour réduire le déficit de la Sécurité sociale, pour faire plaisir aux petits copains de l’industrie du générique. Et maintenant, afin de leur faire augmenter leur chiffre d’affaires, n a-t-on soudoyé les médecins par « une prime à la performance » s’ils prescrivent les génériques ?

Ce tour de passe-passe officiel s’appelle le CAPI, qui en plus garrotte le médecin à la CNAM. La décision de Bruxelles a conforté la légitimité de ce tour de passe-passe en France. On en reste sans voix ! Sera-t-il bientôt légitimé officiellement par la Cour de Cassation ?

Le seul événement positif est que l’on perçoit une certaine unification, malgré leurs divergences, de tous les syndicats médicaux pour défendre la médecine générale.


Source : Le Quotidien du Médecin: 8767